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Marchand de biens : une imposition spécifique

Date de mise à jour : 12/12/2023 Date de vérification le : 03/06/2024 19 minutes

Vous êtes propriétaire de plusieurs biens immobiliers que vous envisagez de vendre ? Prenez garde, l’administration pourrait vous reconnaître la qualité de marchand de biens. De quoi s’agit-il ?

Rédigé par l'équipe WebLex.
Marchand de biens : une imposition spécifique

Marchands de biens : de quoi parle-t-on ?

Qui est-il ? Les marchands de biens se définissent comme étant des personnes qui achètent en leur nom et de façon habituelle des immeubles, fonds de commerces, actions ou parts de sociétés immobilières en vue de les revendre.

Que fait-il ? 3 conditions cumulatives doivent être remplies pour que le régime des marchands de biens s’applique. Ainsi :

  • la personne doit réaliser des opérations immobilières de façon habituelle et, surtout, les achats (ou souscriptions de parts) doivent avoir été réalisés avec l’intention de revendre, donc avec une intention spéculative ;

  • la personne doit bien réaliser des achats et procéder à des ventes ;

  • l’opération d’achat/revente doit porter sur des biens limitativement énumérés par la loi, à savoir des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou des parts de sociétés immobilières.

À noter. Aux biens ci-dessus énumérés s’ajoutent les droits immobiliers (servitude, mitoyenneté, droit de surélévation, etc.) et les droits mobiliers (droit au bail, promesse unilatérale de vente, etc.) qui s’y rapportent.

Le saviez-vous ?

Le régime des marchands de bien concerne les particuliers autant que les sociétés.

Une société pourra être qualifiée de marchand de biens, peu importe sa forme juridique, à partir du moment où elle se livre habituellement et volontairement à des opérations d’achat/revente de biens immobiliers, de fonds de commerce ou d’actions ou de parts de sociétés immobilières.

Quant aux particuliers, il importe peu qu’ils exercent exclusivement des opérations d’achat/revente de biens immobiliers. Ainsi, le juge de l’impôt a pu considérer qu’un exploitant forestier, un orthopédiste, un charcutier ou un exploitant de bar-tabac avaient, en plus de leur activité professionnelle, la qualité de marchands de biens.

Habitude. La première condition qui caractérise un marchand de biens est la réalisation d’opérations d’achat/revente de façon habituelle. La notion d’habitude n’est pas strictement définie par la loi et va largement dépendre de l’examen des situations de fait, ainsi que de l’activité passée ou présente du vendeur de l’immeuble.

Exemple 1. Si le vendeur réalisant l’opération est un promoteur immobilier, enregistré en tant que tel, la notion d’habitude ne pose pas vraiment problème. Toutes autres conditions étant remplies, ce promoteur sera considéré sur le plan fiscal comme un marchand de biens.

Exemple 2. Un particulier qui achète un immeuble et le revend quelques mois plus tard peut être considéré comme un marchand de biens (sous réserves que toutes les conditions soient remplies), surtout s’il répète ce type d’opérations dans un temps plus ou moins rapproché.

Intention de revendre. Pour qu’une personne soit considérée comme un marchand de biens, il faut certes qu’elle acquiert des biens immobiliers de façon habituelle, mais surtout, qu’elle les achète dans le but de les revendre. Cette intention spéculative doit être présente dès l’acquisition : le juge a, en effet, rappelé à maintes reprises que l'intention spéculative doit être recherchée à la date d'acquisition des immeubles ultérieurement revendus et non à la date de leur revente. En réalité, peu importe les raisons qui poussent une personne à vendre son bien immobilier (expropriations, problèmes de trésorerie, mutation professionnelle, etc.), elle sera considérée comme un marchand de biens, si dès le départ, elle a acheté ce bien dans l’unique objectif de le vendre et donc, d’en tirer un profit.

Du cas par cas. Comme la notion d’habitude, l’intention spéculative fera l’objet d’un examen au cas par cas par l’administration.

Exemple. Il a été décidé que l’intention de revendre était bien présente dans les situations suivantes :

  • lotissement réalisé immédiatement après l’acquisition ;

  • opérations nombreuses et fréquentes réalisées par le vendeur ;

  • montant important des bénéfices réalisés ;

  • court délai séparant les acquisitions des reventes ;

  • etc.

Contre-exemple. Le juge de l’impôt a pu considérer que la revente d’un logement, initialement acquis à des fins essentiellement familiales, par exemple à titre de résidence principale de la famille, ne suffisait pas à qualifier la personne de marchand de biens.

Le saviez-vous ?

L’administration a développé une tolérance qui s’applique lorsqu’un long délai s’écoule entre la construction et la revente d’un immeuble. Elle considère, en effet, qu’’il n’y a pas d’intention spéculative, et donc pas d’application du régime des marchands de biens, lorsque la vente intervient plus de 15 ans après l’achèvement des travaux.

Achat et revente. Par achat/revente, il faut entendre toutes les opérations ayant pour effet de provoquer un transfert de propriété. Sont entendues comme des opérations d’achat/revente, conduisant à qualifier un vendeur de marchand de biens, les situations suivantes :

  • les apports en sociétés ;

  • les expropriations pour cause d’utilité publique ;

  • les remises à l’échange ;

  • plus généralement, toutes les opérations par lesquelles une personne qui acquiert un bien dans le but de le revendre, le cède effectivement.

Exception pour les successions. Les successions ne peuvent pas être qualifiées d’opération d’achat/revente.

Mais pas pour les donations ? En revanche, à la différence du transfert de propriété intervenant dans le cadre d’une succession, le transfert intervenant dans le cadre d’une « simple » donation n’est pas opposable à l’administration. En clair, en présence d’une telle donation, l’administration aura 2 choix :

  • soit en faire abstraction et considérer qu’il s’agit bien d’une opération d’achat/revente passible du régime des marchands de biens ;

  • soit admettre l’existence de la donation.

Le saviez-vous ?

Attention, d’un point de vue fiscal, une personne pourra être imposée suivant application du régime des marchands de biens, alors même que d’un point de vue civil l’opération qu’elle réalise est considérée comme irrégulière. Tel pourra être le cas d’un officier ministériel qui spéculerait, contrevenant ainsi aux règles de sa profession.


Marchands de biens : comment sont imposés les bénéfices ?

Principe. Les profits réalisés par un marchand de biens relèvent des règles des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et doivent donc être déclarés et imposés comme tels au titre de l’impôt sur le revenu. Il faut, en effet, savoir qu’un bien immobilier, pour un marchand de biens, n’est pas un « actif », mais du « stock » : le gain réalisé sur ce « stock » est donc du résultat ordinaire.

Donc... En conséquence, un marchand de biens qui cède un immeuble ne pourra pas se prévaloir du régime des plus-values immobilières qui s’applique au gain réalisé par un particulier en cas de vente ponctuelle d’un appartement, d’une maison, etc.

Les sociétés civiles. Les sociétés régulièrement imposées à l’impôt sur les sociétés (IS) et qui exercent une activité de marchand de biens resteront imposées à l’IS. En revanche, les sociétés civiles qui relèvent normalement de l’impôt sur le revenu (IR), mais qui exercent une activité de marchands de biens, seront soumises à l’IS et non pas aux BIC.

Le saviez-vous ?

Le fait de procéder à des travaux d’agrandissement ou de rénovation avant la revente des immeubles ne permet pas d’échapper à la qualification de marchand de biens (toutes autres conditions étant remplies) et donc, à ce que les profits réalisés soient imposés au titre des BIC.

Plus-values. Que le marchand de biens soit imposé au titre des BIC ou de l’IS n’a aucune incidence sur le fait que le gain réalisé sera traité comme du résultat ordinaire. Les biens immobiliers détenus par un marchand de biens font en effet partie de ses stocks et non de son actif. Partant de là, le gain réalisé ne pourra pas bénéficier du régime des plus-values professionnelles et des exonérations qui y sont liées, le cas échéant.

Micro-BIC. Il est important de noter que lorsqu’une personne est imposée en tant que marchand de biens, elle ne pourra pas opter pour le régime micro-BIC.

Un droit de regard de l’administration fiscale... Au-delà des conditions d’exercice de l’activité, et notamment du contrôle du caractère habituel ou non de l’activité d’achat-revente de biens immobiliers, l’administration peut aussi contrôler la normalité des conditions d’exercice de cette activité. En clair, elle pourra apprécier si une opération immobilière a été faite à des conditions normales et, le cas échéant, rectifier le montant du bénéfice imposable si elle suspecte, au contraire, un acte anormal de gestion.

Exemple. C’est ce que l’administration a tenté de faire vis-à-vis d’un marchand de biens qui a vendu une villa qu’il détenait en stock pour un prix inférieur à sa valeur vénale. Elle y a vu un acte anormal de gestion et recalculé le bénéfice imposable du marchand de biens en retenant, non pas le prix de vente, mais la valeur vénale. Mais le marchand de biens a rappelé qu’il a tout de même réalisé une marge avec cette vente, ce qui a suffi pour le juge à contredire l’administration fiscale.

À retenir

La qualification de marchand de biens n’est retenue que si une personne réalise à titre habituel des opérations d’achat/revente de biens immobiliers, de fonds de commerce ou de parts ou actions de sociétés immobilières, avec dès l’origine une intention spéculative.

Les conséquences fiscales sont importantes puisqu’une telle qualification vous imposera de déclarer vos gains au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

J'ai entendu dire

Au niveau commercial, un marchand de biens peut-il avoir la qualité de « consommateur » qui lui permet alors de bénéficier des mesures protectrices applicables aux particuliers ?

Par principe, un marchand de biens a la qualité de « professionnel » et ne peut donc pas bénéficier des mesures protectrices du « consommateur » (délai de rétractation, obligation d’information renforcée, délai réduit pour être poursuivi en justice, etc.). Toutefois, il a déjà été jugé qu’un marchand de biens n’agissant pas dans le cadre de son activité professionnelle pouvait se prévaloir des mesures protectrices du « consommateur », si le contrat de prêt bancaire le prévoit.
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