Formation des salariés : quelles sont vos obligations ?
Un principe général : l’obligation de formation et d’adaptation des salariés
Maintenir l’employabilité du salarié. L’employeur est tenu d’assurer l’adaptation de l’ensemble des salariés à leur poste de travail, afin de leur permettre le maintien dans leur emploi. Vous devez ainsi vous assurer de leur capacité à occuper leur emploi, notamment au regard des évolutions survenant du point de vue des techniques, des savoir-faire et de l'organisation de l'entreprise.
C’est de votre responsabilité ! Le juge l’a rappelé à plusieurs reprises : l’obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relève de votre initiative, en qualité d’employeur. Il ne s’agit pas d’une faculté mais bien d’une obligation. Vous ne devez donc pas attendre que le salarié formule une demande de formation pour vous assurer qu’il dispose des compétences nécessaires pour exercer ses fonctions. Vous ne pouvez pas, en outre, vous retrancher derrière le fait que le salarié n’a pas fait de demande de formation pour vous exonérer de votre obligation de formation, ni derrière le fait que son poste n’a pas connu d’évolution nécessitant une formation.
Même dans l’artisanat ! Il a déjà été jugé que, même dans une petite entreprise, essentiellement artisanale, sans évolution significative des techniques et des emplois, la formation des salariés est obligatoire. Vous devez toujours vous assurer de leur adaptation à leur poste de travail mais aussi de leur capacité à occuper un emploi (compte tenu des évolutions des emplois, des technologies et des organisations).
Le saviez-vous ?
En cas de rachat d’entreprise avec transfert des contrats de travail, cette obligation s’impose au nouvel employeur, même vis-à-vis des salariés repris. Il est donc opportun, dans le cadre d’un rachat d’entreprise, de faire le point sur les formations des salariés repris.
Attention ! Le non-respect de cette obligation pourra être sanctionné par le versement de dommages-intérêts si le salarié justifie d’un préjudice résultant du défaut de formation.
Le saviez-vous ?
Le simple fait que le salarié ait occupé successivement des postes différents au sein d’une société ne suffit pas à démontrer que l’employeur a satisfait à son obligation d’adaptation.
Pour vous organiser… Vous pouvez, quelle que soit la taille de votre entreprise, prévoir un plan de formation fixant les objectifs que vous souhaitez atteindre, l’enveloppe budgétaire que vous envisagez de consacrer au projet, etc. Le plan de formation peut non seulement prévoir des actions d’adaptation des salariés à leur poste de travail ou de maintien dans leur emploi mais également des actions de développement des compétences, notamment numériques ou s’inscrivant dans le cadre de la lutte contre l’illettrisme.
Un plan de développement des compétences. Les actions de formation mises en œuvre en vue de l’adaptation des salariés à leur poste de travail, à leur employabilité et au développement de leurs compétences sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation… aujourd’hui renommé en « plan de développement des compétences ».
A partir du 1er janvier 2019… Les actions de formation qui conditionnent l'exercice d'une activité ou d'une fonction en application de la Loi constitueront du temps de travail effectif et donneront lieu au maintien de la rémunération. Les autres actions de formations, même réalisées hors temps de travail, constitueront également du temps de travail effectif et donneront également lieu au maintien de la rémunération, à l’exception des 2 cas suivants :
- lorsque ces actions de formations auront été déterminées par un accord d'entreprise ou, à défaut, de branche comme se déroulant en tout ou partie hors du temps de travail (selon une limite horaire ou une limite correspondant à un pourcentage du forfait annuel, fixée par le même accord) ;
- lorsqu’en l'absence d'accord collectif mais avec l'accord (écrit) du salarié, les actions de formation à l'initiative de l'employeur se dérouleront en tout ou partie en dehors du temps de travail dans la limite de 30 heures par an et par salarié et dans la limite de 2 % du forfait annuel le cas échéant (contre 24 heures par an et par salarié ou 5% du forfait jusqu'alors).
En cas de refus du salarié ? Dans ces 2 cas, ces actions de formation hors temps de travail à l’initiative de l’employeur doivent donner lieu à l’accord écrit du salarié qui peut être dénoncé sous 8 jours et le refus du salarié ne sera pas fautif et ne constituera pas un motif de licenciement.
Pas d’insuffisance professionnelle en l’absence d’adaptation au poste de travail ! De même, si vous envisagez de licencier un salarié en raison de son insuffisance professionnelle, vous devez préalablement vous assurer que le salarié a bénéficié des formations requises pour pouvoir occuper pleinement ses fonctions. A défaut, les juges ne manqueront pas de requalifier le licenciement, et de considérer qu’il est sans cause réelle et sérieuse, sans que le salarié ait à justifier avoir effectué des demandes de formation.
Le salarié doit aussi jouer le jeu… Le salarié ne peut pas refuser de se former, lorsque les actions de formation visent une adaptation à son poste de travail, sa mise à niveau, lorsque son emploi est destiné à évoluer, ou encore son maintien dans l’emploi.
Exemple. Un licenciement reposera sur une cause réelle et sérieuse si vous pouvez démontrer que le salarié a refusé de suivre une formation proposée par l’entreprise, afin de permettre son adaptation aux évolutions technologiques de son emploi, constituant une modalité d’exécution de son contrat de travail et répondant à l’intérêt de l’entreprise.
Un coût de formation. Vous devez, en principe, supporter le coût de la formation. Néanmoins, il est possible d’en solliciter le remboursement auprès de votre opérateur de compétence (Opco, ex-organisme collecteur paritaire agréé), si vous employez moins de 50 salariés.
Et la rémunération ? Le temps passé par le salarié en formation doit être rémunéré. C’est à vous, en tant qu’employeur, qu’il revient de rémunérer votre salarié. Néanmoins, pour aider les TPE, les Opco peuvent prendre en charge la rémunération du salarié en formation d’une entreprise de moins de 50 salariés. Dans ce cas, le montant pris en charge ne pourra pas excéder un Smic horaire par heure de formation (soit 11.65 € pour l’année 2024). En outre, les priorités, les critères et les conditions de prise en charge des demandes présentées par les employeurs doivent être définis par le conseil d’administration.
Le saviez-vous ?
Les actions de formations peuvent être menées dans le cadre de stages en présentiel, ou à distance, ou en situation de travail.
Attention ! L’obligation de formation n’est pas systématiquement respectée du seul fait du grand nombre de formations. Celles-ci doivent aussi permettre au salarié d’évoluer dans sa carrière.
Un exemple à ne pas suivre. Un employeur a été condamné à indemniser un salarié pour manquement à son obligation de formation alors que ce dernier avait suivi 17 formations en 22 ans de carrière (au même poste). Ces formations, toutes de courte durée, étaient, en effet, toutes afférentes au métier déjà exercé par le salarié, et, malgré les appréciations favorables de sa hiérarchie relatives à sa capacité à évoluer vers un poste d'encadrement, les demandes de participation à des formations permettant d'accéder à un niveau supérieur avaient toutes été refusées.
Des formations obligatoires en matière d’hygiène et de sécurité au travail
Une obligation de « sécurité ». Vous êtes tenu à une « obligation de sécurité de résultat », fermement rappelée par les juges. Ceci signifie que vous êtes dans l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité de tous les salariés qui travaillent dans l’entreprise.
Concrètement. De cette obligation de résultat découlent plusieurs obligations :
- une obligation générale d’information des salariés sur les risques pour la santé et la sécurité,
- une obligation de former les salariés à la sécurité d’une manière « pratique et appropriée ».
Une formation régulière. Vous devez donc veiller à ce que l’ensemble des salariés de l’entreprise soit formé aux risques professionnels et à la prévention des risques, de manière régulière, c’est-à-dire au moment de l’embauche et chaque fois que nécessaire. Cette formation doit être adaptée à l’activité de l’entreprise, à sa taille, et au caractère des risques que les salariés peuvent y rencontrer.
Portez une attention particulière aux salariés « précaires » ! Les salariés dits « précaires » (travailleurs temporaires ou sous contrat à durée déterminée) bénéficient d’une formation « renforcée » à la sécurité, dès lors qu’ils sont affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers. La réglementation prévoit également l’interdiction pure et simple d’affecter cette catégorie de travailleurs à certains travaux les exposant à des agents chimiques dangereux (par exemple, à de l’amiante).
Soyez attentif aux dispositions contenues dans la convention collective et les accords applicables ! Certaines conventions ou accords collectifs contiennent des dispositions spécifiques relatives aux actions de formations qui doivent être menées pour assurer la sécurité des salariés. Il faut bien sûr y être attentif, et respecter les obligations prévues par la convention ou les accords collectifs.
Le saviez-vous ?
L’ancienneté des salariés, qui est généralement synonyme d’expérience et de connaissance du poste de travail et des risques encourus, ne vous exempte absolument pas de votre obligation de les former. Vous devez, au contraire, vous assurer qu’ils bénéficient de rappels réguliers sur les règles applicables en matière de prévention des risques, l’utilisation conforme des équipements de protection (individuels et collectifs), et les consignes de sécurité applicables.
Quelles sont les formations obligatoires en matière de sécurité ? La formation générale à la sécurité doit porter sur :
- les conditions de circulation dans l’entreprise ;
- les conditions d’exécution du travail ;
- la conduite à tenir en cas d’accident ou de sinistre.
Des actions spécifiques. Cette formation générale est complétée par des actions spécifiques, dès lors que des risques particuliers existent : exposition à des agents biologiques ou chimiques dangereux, au bruit, à des rayonnements ionisants, manutention de charges, interventions en milieu hyperbare, travaux en hauteur, vibrations, etc.
A noter. Les formations relatives à la sécurité ne sont pas imputables au plan de formation. Le financement des actions de formation dédiées à la sécurité des travailleurs est exclusivement à la charge de l’employeur. Il ne peut donc pas les inscrire sur le plan de formation.
Un dispositif spécifique : le FNE-Formation
Un dispositif spécial. Il existe un dispositif dédié à la formation des salariés placés en activité partielle : le FNE-Formation.
Concrètement. Il consiste en une prise en charge par l’Etat d’une partie des coûts pédagogiques du projet de formation, afin de faciliter la continuité de l’activité des salariés et de favoriser leur adaptation à de nouveaux emplois, le cas échéant. Les formations éligibles sont notamment celles permettant d’obtenir une qualification professionnelle et les actions de validation des acquis de l’expérience (VAE).
Quelles entreprises ? Toute entreprise, sans condition de forme, de taille, d’effectif ou de secteur d’activité, peut adresser sa demande de FNE-Formation à son OPCO ou à la Direccte. Elle doit être en mesure de produire un dossier complet présentant la formation, le bilan de compétences, ou la VAE destiné à être soutenue.
Un élargissement de ce dispositif ? Depuis le 1er juillet 2021, ce dispositif est également ouvert aux entreprises en mutation (économique ou technologique) et aux entreprises en reprise d’activité.
Un questions/réponses ? Si vous souhaitez en savoir plus sur ce dispositif, notez que le gouvernement met en place un questions/réponses, disponible ici.
A retenir
L’employeur doit apporter une vigilance particulière à la formation de ses salariés, et veiller à respecter ses obligations en la matière. La réglementation autant que la jurisprudence tendent en effet à ce que l’employeur veille, à la fois, à ce que le salarié puisse occuper son propre poste, mais aussi qu’il puisse occuper un emploi au-delà du poste qu’il occupe.
Plus largement, ces obligations s’inscrivent pleinement dans les dernières évolutions mises en place dans le domaine de la formation professionnelle, qui tisse des liens de plus en plus étroits entre les actions de formation et la gestion des compétences (mise en place des entretiens professionnels, des entretiens de bilan, etc.).
J'ai entendu dire
L’employeur peut-il être condamné à verser des dommages-intérêts au salarié s’il manque à son obligation d’adaptation ?Tout à fait ! Plusieurs décisions de jurisprudence ont alloué des dommages-intérêts à des salariés licenciés pour motif économique. Ces derniers n’avaient bénéficié que de quelques journées de formation (3 au total, alors qu’ils totalisaient une ancienneté de 24 ans et 12 ans).
Le juge a ainsi précisé qu’« au regard de l’obligation de l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, ces constatations établissaient un manquement de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail entraînant un préjudice distinct de celui résultant de la rupture ». Néanmoins, si le défaut de formation justifie l’octroi de dommages-intérêts, il ne prive pas pour autant de cause réelle et sérieuse un licenciement qui aurait éventuellement été prononcé contre un salarié non formé.
- Article L. 6321-1 du Code du Travail (obligation d’adaptation des salariés)
- Article L. 6321-2 du Code du Travail (rémunération du salarié en formation)
- Article L 4141-1 du Code du Travail (obligation d’information en matière de sécurité au travail)
- Article L. 4141-2 du Code du Travail (obligation de formation en matière de sécurité au travail)
- Articles L. 4141-3 du Code du Travail, R. 4141-11 à R. 4141-19 du Code du travail (formation générale à la sécurité)
- Article L. 4141-4 du Code du Travail (non imputabilité des actions de formation relatives à la sécurité au plan de formation)
- Article R. 6332-44 du Code du Travail (champ d’intervention des OPCA)
- Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, article 8 (plan de développement des compétences)
- Décret n° 2018-1229 du 24 décembre 2018 relatif aux formations suivies hors du temps de travail
- Décret n° 2018-1330 du 28 décembre 2018 relatif aux actions de formation et aux bilans de compétences
- Décret n° 2018-1341 du 28 décembre 2018 relatif aux actions de formation et aux modalités de conventionnement des actions de développement des compétences
- Décret n° 2018-1342 du 28 décembre 2018 relatif aux modalités de prise en charge des dépenses par les sections financières des opérateurs de compétences prévues aux articles L. 6332-14 et L. 6332-17 du code du travail
- Arrêté du 21 décembre 2018 relatif aux pièces nécessaires au contrôle de service fait mentionné à l'article R. 6332-26 du code du travail
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 23 octobre 2007, n° 06-40950 (allocation de dommages et intérêts au salarié en cas de manquement de l’employeur à son obligation d’adaptation)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 3 décembre 2008, n° 07-42196 (le refus du salarié de suivre une formation nécessaire pour permettre son adaptation au poste de travail est constitutif d’une cause réelle et sérieuse de licenciement)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 13 décembre 2011, n° 10-21855 (le salarié n’a pas à justifier qu’il a fait des demandes de formation pour démontrer l’absence d’adaptation au poste)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 12 avril 2012, n° 11-12847 (le fait pour le salarié d’occuper des postes successifs dans l’entreprise ne démontre pas que l’employeur a respecté son obligation d’adaptation)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 5 juin 2013, n° 11-21255 (sanction pour manquement à l’obligation de formation)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 18 juin 2014, n° 13-14916 (l’employeur doit respecter son obligation de formation, y compris en l’absence de demande de formation formulée par les salariés)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 7 juillet 2016, n° 15-10542 (obligation de formation suite au rachat d’une entreprise)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 novembre 2016, n° 15-15162 et n° 15-15185 (obligation de formation dans l’artisanat, même sans demande exprès des salariés)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 21 avril 2017, n° 15-28640 (obligation de formation ou faculté de formation)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 3 mai 2018, n° 16-26796 (manquement à l’obligation de formation et défaut de préjudice)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 5 juillet 2018, n° 16-19895 (insuffisance des formations qui ne permettent pas une évolution de carrière)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 12 septembre 2018, n° 17-14257 (le défaut de formation ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 janvier 2020, n° 18-13676 (obligation de formation adaptée au poste de travail)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 8 juillet 2020, n° 19-12105 (obligation de formation et absence d’évolution des fonctions)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 19 mai 2021, n° 19-24412 (manquement à l’obligation de formation)
- Site du Ministère du travail, Coronavirus – COVID-19, Q-R par thème, FNE-Formation