Organiser un retour de congé maternité : quelques obligations à connaître…
Organiser le retour d’une salariée après un congé maternité
D’abord, la réintégration de la salariée. A l’issue de son congé maternité, vous devez réintégrer la salariée dans son poste initial, ou dans un emploi similaire (c’est-à-dire n’entraînant pas de modification de son contrat de travail) lui conférant une rémunération au moins équivalente.
Puis, une visite médicale. Vous devez impérativement organiser une visite médicale de reprise avec la médecine du travail, au plus tard dans les 8 jours de la reprise.
Et un entretien professionnel. Vous devez proposer à la salariée un entretien professionnel, dans les meilleurs délais, qui sera consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualification et d’emploi. Faites cette proposition par écrit, afin de vous procurer des éléments de preuve attestant que vous avez rempli cette obligation.
Le saviez-vous ?
Le non-respect par l’employeur de son obligation d’organiser un entretien professionnel au retour du congé maternité de la salariée n’est pas susceptible d’entraîner, à lui seul, la nullité d’un licenciement prononcé ultérieurement.
Un rattrapage salarial ? Par principe, la rémunération d’une salariée qui revient de congé maternité doit être majorée des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise. Il n’est pas possible de déroger à ce principe par le simple versement d’une prime exceptionnelle par exemple.
Une protection complémentaire. Sachez qu’il n’est pas possible de procéder au licenciement d’une salariée à son retour de congé maternité, et ce, pendant les 10 semaines qui suivent l’expiration de ce congé, sauf si vous justifiez d’une faute grave ou d’une impossibilité de poursuivre l’exécution du contrat pour un motif étranger à la maternité.L’inaptitude ne suffit pas à elle seule à caractériser l’empêchement de maintenir le contrat de travail, ni même l’existence de difficultés économiques.
Le saviez-vous ?
Pour la Justice européenne, la rupture du contrat d’une salariée enceinte inscrit dans un licenciement collectif pour motif économique pourrait valablement être autorisée par la loi. Ce qui n’est pas, du moins à ce jour, le cas en France.
Un report de la période de protection. Notez que si la salariée accole ses congés payés à son congé maternité, le point de départ de cette période de 10 semaines est reporté à la date de la reprise du travail par la salariée.
Le saviez-vous ?
Ce qui est vrai pour les congés payés ne l’est pas pour un arrêt maladie : un simple arrêt maladie accolé au congé maternité n’a pas pour effet de reporter le point de départ du délai de protection de 10 semaines.
Par ailleurs, l’absence de visite médicale ne reporte pas non plus le point de départ du délai de protection.
A noter. La visite médicale de reprise après un congé de maternité doit permettre d’apprécier l’aptitude de la salariée à reprendre son ancien emploi, de préconiser le cas échéant un aménagement, une adaptation de son poste, ou un reclassement. Mais l’absence de visite médicale n'a pas pour effet de différer jusqu'à la date de réalisation de cette visite la période de protection.
Pour les travailleuses de nuit. A son retour de congé de maternité, la salariée qui travaille de nuit est affectée, pour une durée d’un mois maximum, à un poste de jour si le médecin du travail constate (par écrit) que le poste de nuit est incompatible avec son état. Dès lors que la salariée enceinte, accouchée ou allaitante accomplit une partie de ses fonctions en horaire de nuit, elle doit être qualifiée de travailleur de nuit et, par conséquent, bénéficier des règles protectrices applicables aux salariés enceintes, accouchées ou allaitantes travaillant de nuit.
Et pour le jeune père de famille ? La protection vaut aussi pour un salarié, nouvellement père, pendant les 10 semaines suivant la naissance de son enfant (le licenciement reste possible si vous justifiez d'une faute grave du salarié ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant).
Attention. Si un licenciement est prononcé en méconnaissance de ces règles protectrices (pour la mère et pour le père), vous vous exposez, en plus de l’indemnité de licenciement, à une sanction pécuniaire égale à au moins 6 mois de salaire, quel que soit l’effectif de l’entreprise ou l’ancienneté du salarié (si ce dernier ne réclame pas la poursuite de son contrat de travail ou si sa réintégration dans l’entreprise est impossible).
Organiser le retour d’une salariée qui allaite son enfant
Des obligations spécifiques. Saviez-vous qu’au cours de la Première Guerre Mondiale, pour pallier l’absence des hommes partis au front, les entreprises ont dû mobiliser les femmes et composer avec leurs charges de famille ? La loi a ainsi consacré l’obligation pour les entreprises industrielles et commerciales d’accorder du temps à leurs salariées pour leur permettre d’allaiter leur enfant, voire de leur installer des chambres d’allaitement. Obligation encore d’actualité et généralisée sous peine de sanctions…
Du temps pour la salariée allaitante. Pendant la première année de son enfant, la salariée qui allaite son enfant dispose d’une heure par jour, sur son temps de travail, pour allaiter son enfant. Cette heure se divise en 2 périodes de 30 minutes (ou de 20 minutes si vous installez un local d’allaitement dans l’établissement ou à proximité) : l’une le matin, l’autre l’après-midi. Vous pouvez tout à fait convenir, avec la salariée, de l’horaire où elle interrompra son travail. A défaut d’accord, cette période est placée au milieu de chaque demi-journée.
Où ? La loi accorde à la salariée la possibilité d’allaiter (directement) son enfant dans l’établissement. Bien sûr, en pratique, cette situation sera rarement vécue ! Quelle que soit l’entreprise, la femme allaitante, au même titre que la femme enceinte, doit pouvoir se reposer en position allongée dans des conditions appropriées… Ce qui exclut, évidemment, un allaitement dans les toilettes de l’entreprise !
Le saviez-vous ?
La loi n’impose pas la rémunération de cette heure d’allaitement. Consultez votre convention collective pour vérifier si elle prévoit des dispositions spécifiques à ce sujet. Dans le silence des textes (Loi et conventions ou accords collectifs), vous êtes libre de rémunérer ou non cette heure.
Attention aux sanctions ! Le non-respect de ces obligations peut être sanctionné par une amende de 1 500 € au plus, multipliée autant de fois qu’il y a de femmes concernées.
Règles spécifiques aux entreprises qui emploient plus de 100 salariées
Mettre en place un local d’allaitement : une obligation ? Les entreprises qui emploient plus de 100 femmes peuvent être mises en demeure, par l’inspecteur du travail, d’installer sous 1 mois un local d’allaitement dans leur établissement ou à proximité.
Le saviez-vous ?
La mise en demeure préalable à l’installation d’un local d’allaitement ne peut émaner que de l’inspecteur du travail, et non d’un syndicat (celle-ci pouvant, dans cette hypothèse, rester sans effet).
Les caractéristiques du local. Le local dédié à l’allaitement doit :
- être :
- ○ séparé de tout local de travail,
- ○ aéré et muni de fenêtres ouvrant sur l’extérieur,
- ○ pourvu d'un mode de renouvellement d'air continu,
- ○ convenablement éclairé,
- ○ pourvu d'eau en quantité suffisante ou à proximité d'un lavabo, l’eau devant être à température réglable,
- ○ pourvu de sièges convenables pour l'allaitement,
- ○ tenu en état constant de propreté, le nettoyage quotidien devant être réalisé hors de la présence des enfants ; les revêtements des sols et des murs doivent permettre un entretien efficace ;
- ○ maintenu à une température convenable dans les conditions hygiéniques ;
- avoir une superficie d’au moins 3 mètres carrés par enfant et avoir une surface assez grande pour accueillir un nombre d'enfants de moins d'un an, correspondant au nombre de femmes employées dans l'établissement ;
- avoir une hauteur sous plafond minimale de 3 mètres ;
- ne pas avoir de communication directe avec des toilettes, égouts, puisards.
Le matériel à disposition des salariées. L'employeur doit fournir (à ses frais) :
- de la literie : un berceau pour chaque enfant et le matériel de literie, qui devra être aéré la nuit et maintenu en bon état d’entretien et de propreté ;
- du linge en quantité suffisante pour que les enfants puissent être changés aussi souvent que nécessaire ;
- du matériel permettant de réchauffer les aliments ;
- des moyens de nettoyage et de séchage (éponges en parfait état, torchons propres, savon, etc.).
Le saviez-vous ?
Bien que la loi ne le prévoit pas, il peut être utile de prévoir un réfrigérateur pour permettre aux mères de conserver leur lait.
Une limite. Un local dédié à l’allaitement ne peut pas contenir plus de 12 berceaux, sauf à obtenir une autorisation temporaire du Direccte. S’il y a plusieurs salles, elles doivent être desservies par un vestibule.
Règles d’hygiène et de propreté. Qu’il s’agisse du local ou des équipements qui le composent, tout doit être dans un état d’entretien et de propreté irréprochable. Le local doit être, par ailleurs, tenu par du personnel qualifié, qui se tient lui-même dans un état de propreté rigoureuse.
Règles sanitaires. Aucune personne, ni adulte, ni enfant, présentant un risque de contamination ne doit être admise dans le local d’allaitement. Notez que le local est surveillé par un médecin désigné par l’employeur, qui doit le visiter au moins une fois par semaine et qui valide le règlement intérieur qui doit être affiché à l’entrée du local.
Règles d’utilisation du local. Il est interdit de demander une contribution financière aux utilisatrices du local. Un registre recense le nom des enfants présents chaque jour et contient les observations du médecin chargé de la surveillance du local. Un autre recense :
- les nom, prénoms, date de naissance de chaque enfant ;
- les nom, adresse et profession de la mère ;
- la date de l’admission, la constatation des vaccinations, l’état de l’enfant au moment de l’admission et, le cas échéant, des réadmissions.
D’accord, mais en pratique ? Si vous devez mettre en place un local dédié à l’allaitement, ou si vous le souhaitez, sachez vous entourer : n’hésitez pas à vous rapprocher de votre service de santé au travail et/ou de prestataires spécialistes de l’allaitement (certains conseillers-ères en lactation fournissent des prestations aux entreprises, par exemple, des associations peuvent aussi vous apporter un soutien dans ce projet).
Attention aux sanctions ! Le non-respect de ces obligations peut être sanctionné par une amende de 1 500 € au plus, multipliée autant de fois qu’il y a de femmes concernées.
A retenir
Après une longue absence, le retour de tout salarié s’anticipe et s’organise. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’organiser le retour d’un congé maternité puisqu’il nécessite que vous gériez un calendrier précis : organiser la visite médicale de la salariée et son entretien professionnel. Mais d’autres obligations s’imposent à vous, si la mère allaite son enfant.
- Articles L1225-25 et L1225-27 du Code du travail (réintégration et entretien professionnel)
- Article L1225-17 du Code du travail (protection contre le licenciement)
- Article L1225-71 du Code du travail (licenciement nul)
- Articles R4152-13 à R4152-28 du Code du travail (local d’allaitement)
- Article R4721-5 du Code du travail (mise en demeure de l’inspecteur du travail)
- Article R4743-2 du Code du travail (sanctions pénales)
- Loi du 5 août 1917 concernant l’allaitement maternel dans les établissements industriels et commerciaux
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 7 décembre 2017, n° 16-23190 (motivation du licenciement pour inaptitude au retour du congé maternité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 14 février 2018, n° 16-25323 (rattrapage salarial à l’issue du congé maternité)
- Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne, du 22 février 2018, n° C‑103/16 (licenciement collectif comprenant une salariée enceinte)
- Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne, du 19 septembre 2018, n° C 41/17 (protection des salariées travaillant partiellement ou exclusivement de nuit)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 21 octobre 2020, n° 19-20570 (point de départ de la protection de 10 semaines et absence de visite médicale de reprise)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 25 novembre 2020, n° 19-19996 (mise en demeure d’installer un local d’allaitement)
- Avis de la Cour de cassation, chambre sociale, du 07 juillet 2021, n° 21-70011 (nullité du licenciement et respect de l’obligation d’organiser un entretien professionnel au retour du congé)