Commerces de vente au détail : ouvrir en soirée
Ouverture en soirée : des conditions
Ouverture jusqu’à minuit. Certains commerces peuvent ouvrir en soirée (de 21h00 à minuit) sans nécessairement être soumis à la réglementation spécifique du travail de nuit et de son caractère nécessairement exceptionnel.
Pour qui ? Seuls les établissements de vente au détail situés en zone touristique internationale (ZTI) peuvent bénéficier de cette dérogation spécifique. L’objectif est, ici, clairement affiché de permettre de satisfaire les besoins de consommation de la clientèle internationale.
ZTI ? Une zone touristique internationale présente les caractéristiques suivantes :
- avoir un rayonnement international en raison d'une offre de renommée internationale en matière commerciale ou culturelle ou patrimoniale ou de loisirs ;
- être desservie par des infrastructures de transports d'importance nationale ou internationale ;
- connaître une affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France ;
- bénéficier d'un flux important d'achats effectués par des touristes résidant hors de France, évalué par le montant des achats ou leur part dans le chiffre d'affaires total de la zone.
Par exemple. Sont notamment visées à Paris les zones 'Champs-Elysées Montaigne', 'Haussmann', etc.
Sous conditions. Le travail en soirée n’est possible que si le commerce ou l’établissement est couvert par un accord collectif (de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement) ou un accord conclu au niveau territorial. Cet accord devant prévoir des contreparties pour le salarié…
Le saviez-vous ?
Un salarié ne pourra travailler en soirée (jusqu’à minuit) que s’il est effectivement volontaire pour le faire : un accord écrit de sa part est nécessaire. Il ne sera pas possible de considérer qu’un refus de sa part puisse être utilisé contre lui (et motiver un refus d’embauche, une sanction, une discrimination, un licenciement, etc.).
Attention ! Concernant le commerce de détail alimentaire, la convention collective applicable prévoit la possibilité de recourir au travail de nuit et comporte des contreparties et garanties liée au volontariat des salariés concernés. Pour autant, un commerce de détail alimentaire ne peut pas simplement se retrancher derrière cette convention collective pour mettre en place le travail de nuit : en cas de litige, le juge vérifiera le caractère exceptionnel et justifié du travail de nuit, quitte à écarter les clauses de la convention collective qu’il estimerait non conformes.
Par exemple. Le juge a déjà estimé que l’ouverture au public jusqu’à 22 heures n’était pas indispensable à l’activité économique de l’entreprise. Et parce que l’ouverture de nuit d’un établissement de vente au détail mettant à disposition de sa clientèle des biens et services ne s'analyse pas en un service d’utilité sociale, le recours au travail de nuit pour ce motif n’est pas ici justifié.
Ouverture en soirée : des contreparties
Un salaire doublé. Parce que le salarié travaille entre 21h00 et minuit, chacune de ces heures doit être rémunérée au moins le double de ce qu’il perçoit habituellement et donne lieu à un repos compensateur équivalent en temps. Et d’autres contreparties doivent lui être accordées…
Ce n’est pas tout… L’accord collectif doit aussi prévoir :
- la mise à disposition d’un moyen de transport pris en charge par l’entreprise pour lui permettre de regagner son domicile ;
- des mesures destinées à faciliter la conciliation vie privée / vie professionnelle ;
- des mesures destinées à compenser les charges induites par la garde des enfants ou par la prise en charge d'une personne dépendante ;
- les conditions de prise en compte par l’employeur de l’évolution de la situation personnelle des salariés et de leur souhait de ne plus travailler après 21h.
En outre… Si un salarié accomplit au moins 2 fois par semaine au moins 3 heures de travail entre 21h00 et minuit ou, pendant 12 mois consécutifs, au moins 270 heures entre 21h00 et minuit, il doit :
- pouvoir refuser de travailler en soirée en cas d’incompatibilité avec des obligations familiales (garde d’enfants, prise en charge d’une personne dépendante) ;
- pouvoir consulter le médecin du travail à propos de l’organisation du travail en soirée ;
- bénéficier d’un suivi médical renforcé ;
- pouvoir reprendre le travail en journée en cas d’obligations familiales impérieuses, notamment avec la garde d'un enfant ou la prise en charge d'une personne dépendante, ou lorsque son état de santé, constaté par le médecin du travail, l'exige.
Concernant les contreparties. Si le juge constate que les contreparties au travail de nuit prévues par l’accord collectif sont moins favorables que celles prévues par la loi, le recours au travail de nuit ne sera pas justifié : l’accord collectif ne doit pas prévoir de garanties moindres que la loi en matière de travail de nuit.
A retenir
Seuls les commerces de vente au détail situés en zone touristique internationale peuvent ouvrir en soirée jusqu’à minuit. Ce qui suppose des contreparties au bénéfice des salariés concernés.
- Articles L 3122-1 et suivants du Code du Travail (travail en soirée)
- Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (article 254)
- Décret n° 2015-1173 du 23 septembre 2015 portant application des dispositions de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques relatives aux exceptions au repos dominical dans les commerces de détail situés dans certaines zones géographiques
- Arrêté du 25 septembre 2015 délimitant les zones touristiques internationales à Paris
- Arrêtés du 5 février 2016 délimitant une zone touristique internationale en application de l'article L. 3132-24 du code du travail
- Arrêté du 23 août 2018 modifiant l’arrêté du 25 septembre 2015 délimitant une zone touristique internationale à Paris dénommée « Champs-Elysées Montaigne » en application de l’article L. 3132-24 du code du travail
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 7 janvier 2020, n° 18-83074 (commerce de détail alimentaire et travail de nuit illégal)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 septembre 2020, n° 18-24130 (recours injustifié au travail de nuit)