Recruter sans « embaucher » : le recours au portage salarial
Le portage salarial, comment ça marche ?
Une relation à 3… Le portage salarial est « un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes, comportant, pour la personne portée, le régime du salariat, et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage ». Ainsi, comme pour l’intérim, le portage salarial suppose une relation tripartite : le salarié recruté, l’entreprise qui va recourir à ses services (vous) et l’entreprise de portage qui va « porter » le salarié recruté (votre prestataire).
Concrètement… Vous pouvez alors faire appel à une structure dédiée au portage salarial, afin de recruter la personne disposant du profil recherché : il s’agit donc, en quelque sorte, d’un prêt de main d’œuvre, qui fait l’objet d’une règlementation stricte.
Le saviez-vous ?
Il faut faire attention car le portage salarial est strictement encadré. Vous ne pouvez pas faire appel au portage dans n’importe quels cas de figure : vous ne pouvez utiliser ce type de recrutement que pour des tâches occasionnelles ne relevant pas de votre activité normale et permanente ou pour une tâche ponctuelle nécessitant une expertise dont vous ne disposez pas en interne dans votre entreprise.
Le portage salarial, vu du côté utilisateur
Vous n’embauchez pas ! Le principe du portage salarial est que ce n’est pas vous qui procédez à l’embauche du salarié recruté, les formalités et modalités d’embauche incombant à l’entreprise de portage. En pratique, vous n’avez pas, à l’égard du salarié, la qualité d’employeur : vous n’avez donc pas à gérer la relation contractuelle avec lui, ni à en supporter les éventuels risques.
Attention tout de même… Vous ne pouvez pas avoir recours au portage salarial pour remplacer un salarié dont le contrat est suspendu à la suite d’une grève, pour effectuer certains travaux considérés comme dangereux (consultez la liste) ou encore pour exercer une activité de services à la personne.
Le saviez-vous ?
La durée de la prestation réalisée par le salarié porté ne peut pas excéder 36 mois.
Vous concluez une prestation de services avec l’entreprise de portage. Vous négociez avec le salarié porté les conditions de réalisation et le prix de la prestation et vous concluez, sur ces bases, un contrat de prestation de service avec l’entreprise de portage salarial qu’aura choisie le salarié porté. Ce contrat doit comporter les mentions suivantes :
- identité du salarié porté et descriptif de ses compétences, qualifications et domaines d’expertise ;
- descriptif de la prestation à réaliser et de ses conditions d’exécution ;
- date du terme de la prestation et, le cas échéant, la durée minimale de la prestation lorsque le terme est incertain et lié à la réalisation de la prestation ;
- coût de la réalisation de la prestation que vous aurez négocié avec le salarié porté ;
- responsabilité de l'entreprise cliente relative aux conditions d'exécution du travail du salarié porté, en particulier les questions liées à sa santé, à sa sécurité et à la durée du travail, pendant l'exécution de sa prestation dans ses locaux ou sur son site de travail ;
- nature des équipements de protection individuelle mis à disposition lorsqu’ils sont nécessaires à la réalisation de la prestation ;
- identité du garant financier de l’entreprise de portage salarial ;
- identité de l'assureur et le numéro d'assurance garantissant la responsabilité civile souscrite pour le compte du salarié porté pour les dommages provoqués dans l'entreprise cliente pendant l'exécution de la prestation.
Le saviez-vous ?
Une copie de ce contrat de prestation doit être remise au salarié porté.
Des engagements de votre part. Puisque vous êtes à l’origine du choix du salarié porté pour la prestation à réaliser, vous êtes, de ce fait, réputé avoir vérifié et validé les compétences de ce dernier. Vous vous engagez, par conséquent :
- à faciliter la réalisation de la prestation dans les meilleures conditions et permettre sa bonne exécution ;
- à verser à l’entreprise de portage salarial, aux échéances prévues dans le contrat de prestation de service, le prix de la prestation convenue avec le salarié porté ;
- à informer l’entreprise de portage salarial de tout événement qui pourrait avoir une incidence sur la pérennité de la prestation.
Conseil. Le salarié porté doit effectuer des comptes rendus d’activité réguliers qu’il transmet à l’entreprise de portage salarial : il peut être intéressant, pour vous, de vous joindre à lui pour la mise en place de ce compte rendu, quitte à le viser avant envoi à l’entreprise de portage.
Conseil (bis). Pensez aussi à demander à l’entreprise de portage salarial une attestation de l’Urssaf précisant sa situation au regard du paiement des cotisations sociales.
Conseil (ter). Notez, en outre, qu’il appartient à l’entreprise de portage salarial de souscrire, pour le compte du salarié porté, une assurance de responsabilité civile professionnelle pour les dommages éventuels que ce dernier pourrait causer chez vous à l’occasion de sa mission. Assurez-vous que cette assurance est effective.
Attention aux sanctions ! En tant qu’entreprise utilisatrice vous encourez une amende de 3 750 € au maximum (ou 7 500 € et 6 mois d’emprisonnement en cas de récidive), si :
- le recours au portage ne porte pas sur l’exécution d’une tâche occasionnelle ne relevant pas de votre activité normale et permanente ;
- elle est une société de services à la personne ;
- les délais de conclusion et le contenu du contrat commercial de prestation de portage ne sont pas respectés.
Le portage salarial, vu du côté salarié porté
Il est « autonome ». Le portage salarial est en pratique réservé aux cadres. Le salarié porté dispose d’une grande autonomie dans l’organisation de son travail : il est libre d’organiser son temps de travail, sous couvert, bien entendu, d’un accord avec vous sur les modalités de réalisation de leur prestation. Dans ce cadre, il peut ne pas être soumis à un horaire prédéterminé et relever d’une convention de forfait en heures ou d’une convention de forfait annuel en jours.
Il est « rémunéré ». Le salarié porté perçoit une rémunération, de la part de l’entreprise de portage salarial, calculée en fonction du temps consacré à la réalisation de sa prestation. Le montant minimal de cette rémunération est fixé par accord de branche ; à défaut, la rémunération mensuelle minimale est fixée à 75 % du plafond mensuel de la sécurité sociale (soit 2898 € pour l’année 2024) pour une activité équivalant à un temps plein. A cette rémunération s’ajoute une indemnité d’apport d’affaires de 5 % (à défaut d’un montant prévu par accord de branche).
Le saviez-vous ?
Vous êtes responsable des conditions d’exécution du travail du salarié porté, et en particulier, de sa santé et de sa sécurité pendant l’exécution de sa prestation, comme pour vos propres salariés. Assurez-vous que les obligations de suivi médical sont respectées, même si elles incombent, par principe, à l’entreprise de portage.
Le portage salarial, vu du côté entreprise de portage
Elle conclut un contrat de travail. La relation contractuelle de travail intervient entre le salarié porté et l’entreprise de portage salarial : cette dernière doit donc s’engager à établir un contrat de travail en portage salarial entre elle et le salarié porté, et à accomplir toutes les formalités administratives (embauche, prévoyance, retraite, etc.) et les déclarations sociales nécessaires. Elle procède au versement des salaires et des charges sociales correspondantes. La gestion des relations collectives de travail s’exerce dans l’entreprise de portage salarial.
A noter. Il n’est plus nécessaire pour les entreprises de portage salarial de produire l’attestation spécifique destinée à Pôle Emploi.
Le saviez-vous ?
L’entreprise de portage salarial exerce à titre exclusif l’activité de portage ; elle seule peut conclure un contrat de portage salarial. Elle gère pour chaque salarié porté un compte d’activité. Elle doit justifier d’une garantie financière assurant le paiement des salaires et des cotisations sociales. C’est à elle que revient les obligations relatives à la médecine du travail.
A noter. L’entreprise de portage salarial doit souscrire une garantie financière représentant, depuis le 1er janvier 2018, 10 % de son chiffre d’affaires, sans pouvoir être inférieure à 2 fois la valeur du plafond annuel de la sécurité sociale pour l’année considérée (soit 4048 € pour l’année 2023).
Un CDI… ou un CDD ? Par principe, dès lors qu’un salarié porté est amené à réaliser simultanément et/ou successivement plusieurs prestations sur une période plus ou moins longue, l’entreprise de portage conclut avec lui un contrat à durée indéterminée (les périodes sans prestation à une entreprise cliente ne sont pas rémunérées). Elle pourra toutefois recourir au CDD, d’une durée maximum de 18 mois (renouvellement compris), pour la réalisation d’une prestation dans une entreprise cliente.
Un contenu précis. Qu’il s’agisse du CDD ou du CDI, le contrat doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires.
Le saviez-vous ?
D’une part, l'entreprise de portage n'est pas tenue de fournir du travail au salarié porté. D’autre part, la seule rupture du contrat commercial de prestation de portage salarial n'entraîne pas la rupture du contrat de travail du salarié.
Elle assure un suivi. C’est à elle que revient la charge d’assurer un suivi du bon déroulement de la prestation réalisée par le salarié porté et un contrôle de conformité des éléments qui lui sont transmis sur la base d’un compte rendu d’activité.
Elle gère les relations entre vous et le salarié porté. Elle va assurer la gestion administrative de la relation entre le salarié porté et le client, et peut proposer des prestations d’accompagnement liées à l’exercice de l’activité du salarié et à la réalisation de son projet professionnel. Elle s’engagera, en outre, à facturer la prestation telle qu’elle a été négociée entre vous et le salarié porté.
Attention aux sanctions ! Le non-respect des règles relatives au portage est sanctionné par une amende de 3 750€ (ou 7 500 € et 6 mois d’emprisonnement en cas de récidive), ainsi qu’éventuellement une interdiction d’exercer une activité de portage pendant 2 à 10 ans.
A retenir
Retenez qu’en recrutant un salarié dans le cadre du portage salarial, ce n’est pas vous qui « embauchez » le salarié : c’est l’entreprise de portage salarial, choisie par le salarié porté, qui l’emploie. De votre côté, vous concluez un contrat de prestation de services avec l’entreprise de portage salarial.
Vous ne pouvez cependant recourir au portage salarial que pour des tâches occasionnelles ne relevant pas de votre activité normale et permanente ou pour une tâche ponctuelle nécessitant une expertise dont vous ne disposez pas en interne dans votre entreprise.
J'ai entendu dire
Vous évoquez dans votre fiche les obligations de l’entreprise cliente et de l’entreprise de portage, mais le salarié a-t-il, lui aussi, des obligations ? Quel est son statut ?En principe, le salarié porté dispose d’un niveau d’expertise et de qualification tel qu’il s’accompagne nécessairement d’une autonomie dans la négociation de la prestation avec le client et dans l’exécution de cette prestation ; de ce fait, il a le statut cadre. Autonome, il doit s’engager :
- vis-à-vis de vous, entreprise cliente, à mener à son terme la réalisation de la prestation selon les conditions d’exécution convenues ;
- vis-à-vis de l’entreprise de portage salarial à fournir les éléments lui permettant d’établir le contrat de prestation de service avec le client, le contrat de travail en portage, les bulletins de paie, à faire des comptes rendus d’activité réguliers (au moins selon une fréquence mensuelle), à l’informer de tout événement susceptible d’avoir une incidence sur la pérennité de la prestation.
- Article L 1254-1 du Code du Travail (portage salarial)
- Article L 8241-1 du Code de Travail (hypothèses de prêt de main d’œuvre autorisées)
- Accord national professionnel du 24 juin 2010 relatif à l'activité de portage salarial
- Arrêté du 24 mai 2013 portant extension de l'accord national professionnel du 24 juin 2010 relatif à l'activité de portage salarial
- Ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial
- Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, article 85 (sanctions pénales)
- Circulaire UNEDIC n° 2015-10 du 11 juin 2015 relative aux effets de l’Ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015
- Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » (Articles 12 à 18)
- Décret n° 2015-1886 du 30 décembre 2015 relatif au portage salarial
- Avis de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 11 février 2021, n° 20-70005 (congés pour événements familiaux)