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Provisions : focus sur les conditions de déduction fiscale

Date de mise à jour : 01/03/2024 Date de vérification le : 01/03/2024 24 minutes

La déduction, au plan fiscal, des provisions constitue un point régulièrement contrôlé par l’administration, notamment parce qu’une provision permet d’anticiper la déduction fiscale d’une charge, d’une perte ou d’une dépréciation. Parce qu’elle permet d’optimiser votre résultat fiscal, ses conditions de déduction doivent être scrupuleusement respectées, pour éviter toute remise en cause, et donc tout redressement fiscal sur ce sujet…

Rédigé par l'équipe WebLex.
Provisions : focus sur les conditions de déduction fiscale

Déduction fiscale des provisions : quelques rappels utiles

Une provision : qu’est-ce que c’est ? Comptabiliser une provision revient à comptabiliser en charge, au titre d’un exercice, une dépense ou une perte qui se réalisera probablement dans un avenir plus ou moins proche : il s’agit d’anticiper la déduction comptable et fiscale d’une charge probable future.

Une distinction. Traditionnellement, on distingue deux types de provision : les provisions pour pertes et les provisions pour charges.

Les provisions pour perte. Dans cette catégorie, on retrouvera :

  • les provisions constituées en vue de faire face une dépréciation d’un bien appartenant à l’entreprise (un élément de l’actif), et plus spécialement les immobilisations non amortissables : ainsi, par exemple, si votre société détient des titres d’une société filiale en difficulté, il sera possible de constituer une provision pour tenir compte de la probable perte de valeur de ces titres, correspondant en pratique à la moins-value réalisée si votre société devait vendre ces titres (un test de dépréciation annuel doit être effectué pour estimer cette valeur) ;
  • les provisions constituées en vue de faire face à des pertes probable d’exploitation

Les provisions pour charges ou risques. L’autre catégorie de provisions concerne celles constituées en vue de faire face à des charges futures mais qui trouvent leur origine dans des faits ou des circonstances survenus au cours de l’exercice. On pourra citer, comme exemples :

  • la provision constituée au titre d’un exercice à propos d’une prime ou d’une gratification qui sera versée à vos salariés au cours de l’exercice suivant, mais qui se rapporte à l’exécution du travail réalisé au cours de l’exercice actuel, et dont le montant n’est pas encore connu avec exactitude ;
  • la provision correspondant à la mise en cause de la responsabilité de l’entreprise dans le cadre d’un litige qui l’oppose à un client : ce dernier vous réclame un dédommagement que vous contestez ; malgré cette constatation, la prudence vous impose d’anticiper l’éventuelle charge qui résulterait d’une mise en cause effective de l’entreprise.

Le saviez-vous ?

Le juge de l’impôt a eu l’occasion de rappeler que lorsqu’une provision a été constituée dans les comptes de l’exercice, le résultat fiscal de cet exercice doit être diminué du montant de cette provision (sauf si les règles propres au droit fiscal empêchent cette déduction). La reprise de cette provision, au titre d’un exercice ultérieur, aura pour conséquence d’entraîner une augmentation de l’actif net du bilan de l’exercice concerné.

En clair, dès lors que la provision est comptabilisée, et qu’elle est déductible au plan fiscal, vous devez en tenir compte pour le calcul du résultat imposable de l’entreprise.


Déduction fiscale des provisions : sur le fond

3 conditions essentielles ! Une provision consiste à anticiper une charge ou une perte future, dont vous tenez la survenance pour probable : en comptabilisant une provision, vous impactez directement le résultat de l’entreprise, puisque ce que l’on appelle la « dotation » sera comptabilisée en charge de l’exercice. Régulièrement comptabilisée, elle sera aussi admise en déduction du résultat fiscal si toutes les conditions sont respectées…

La 1ère… Tout d’abord, la provision, pour qu’elle soit déductible, doit se rapporter à une charge ou une perte elle-même déductible, sur le plan fiscal. C’est ainsi, par exemple, que vous ne pourrez pas déduire une provision en vue de faire face au paiement de l’impôt sur les bénéfices, puisque l’impôt sur les bénéfices n’est pas déductible des résultats imposables de l’entreprise.

La 2ème… Ensuite, cette perte ou cette charge doit être probable, et cette probabilité doit résulter d’évènements en cours à la clôture de l’exercice. Cette condition recouvre donc plusieurs notions :

  • d’une part, il n’est pas possible de déduire une provision qui se rapporte à une charge simplement éventuelle : ainsi, par exemple, dans le cadre d’un litige commercial, vous devez être en mesure de prouver que votre client ou votre fournisseur envisage effectivement une action contre l’entreprise (lettre de réclamation, action en responsabilité à votre encontre, etc.) ; vous ne pourrez pas, autre exemple, provisionner un simple risque éventuel de redressement fiscal ou social si aucun contrôle n’est engagé, ni même envisagé contre l’entreprise ;
  • d’autre part, il n’est pas possible de constituer et de déduire une provision à propos d’une charge ou d’une perte certaine : ainsi, il a été jugé qu’un architecte ne pouvait pas déduire de son résultat imposable une provision pour « responsabilité décennale », dès lors que les charges provisionnées, qui correspondaient à des dépenses de personnel et de structure engagées pour le suivi de contentieux dans le cadre de contrats déjà signés avec une agence tierce, étaient certaines. Dans cette hypothèse, la charge ou la perte est directement comptabilisée comme telle dans les comptes de l’entreprise, et la déduction fiscale acquise (si, bien entendu, la déduction d’une telle perte ou charge ne souffre pas de discussion) ;
  • enfin, vous devez être en mesure de prouver que vous avez eu connaissance de la probabilité de cette charge ou perte au cours de l’exercice, et au plus tard avant la fin de la clôture de l’exercice : il n’est pas question d’anticiper la constitution d’une provision au titre d’un exercice si vous avez, en définitive, eu connaissance de la probabilité de la charge qu’au cours de l’exercice suivant (un risque de non-paiement d’une facture qui est porté à votre connaissance au cours de l’exercice 2018 ne pourra pas être provisionné au cours de l’exercice 2017, même si vous avez connaissance de la défaillance du client avant la date de dépôt de la déclaration de résultats de l’exercice 2017).

À noter. Il a été admis qu’une entreprise puisse constituer une provision et la maintenir à son bilan, même si les évènements qui la justifient évoluent dans le temps : le fait que les évènements qui justifient cette provision au cours d’un exercice ne soient pas identiques à ceux qui ont été retenus pour justifier initialement la provision est sans incidence sur sa déduction fiscale (pour autant qu’elle ait conservé son objet).

À noter bis. La déduction d’une provision constituée pour faire face à l’augmentation des cotisations patronales accidents du travail/maladies professionnelles a été refusée par l’administration. Cette dernière a en effet considéré qu’à la clôture de l’exercice de constitution de cette provision, la charge n’était pas probable. A tort, selon la société, qui rappelle qu’ avant la clôture de son exercice comptable, la Caisse régionale d’assurance maladie (CRAM) lui a communiqué plusieurs décisions d’indemnisation d’accidents du travail survenus dans la société au cours d’exercices précédents, décisions qui lui ont permis de calculer le montant de ses cotisations AT/MP futures. Or, une fois ce calcul effectué, elle s’est aperçue que le montant de ses cotisations ultérieures allait augmenter, ce qui justifie, selon la société, la constitution puis la déduction de la provision.

Mais pas pour le juge. Les documents transmis par la CRAM ne servent qu’à apprécier le niveau de risque encouru par la société. Or, ce n’est pas ce niveau de risque qui est à l’origine du paiement des cotisations, donc de la charge objet de la provision : l’élément déclenchant le paiement des cotisations (de l’année N) est le paiement des salaires (de l’année N). Ici, on ne peut que constater que la société a bien trop anticipé la charge, qui n’était pas suffisamment probable à la clôture de l’exercice au titre duquel la provision a été constituée et déduite. Le redressement fiscal est donc confirmé.

Le saviez-vous ?

Vous pouvez tenir compte des évènements intervenus entre la date de clôture de l’exercice et la date de dépôt de la déclaration de résultats pour ajuster le montant de la prévision.

Au cas où… Il peut arriver qu’une entreprise comptabilise par erreur en provision une charge qui est en réalité, non pas probable, mais d’ores et déjà certaine. Sachez que le juge de l’impôt considère dans ce cas que la requalification d’une provision en dette certaine n’entraîne pas sa non-déductibilité fiscale : il s’agit dans ce cas d’une simple erreur qui n’a pas d’incidence sur le résultat imposable.

La 3ème… La perte ou la charge qui constitue l’objet de la provision doit être nettement précisée. En clair, cela signifie que vous devez être en mesure de définir avec exactitude la charge ou la perte concernée : s’agit-il d’une dépréciation d’un actif, d’un stock ou d’une créance, s’agit-il d’anticiper un litige, des travaux, des prestations à fournir (dans le cadre d’une garantie après-vente ou un contrat d’entretien par exemple), etc. ? Mais cela suppose aussi d’être en mesure d’évaluer le montant de la provision avec une approximation suffisante.

Attention. Pour les provisions pour pertes, il faut savoir que la déduction sera admise si la probabilité des pertes est justifiée par la comparaison entre les coûts à supporter et les recettes escomptées. A l’inverse, une provision pour charges sera évaluée en tenant compte des seules charges probables devant être supportées ultérieurement, sans procéder à une compensation avec les produits auxquels ces charges se rapportent.

Attention (bis). Si votre entreprise est à la fois créancière d’une société et débitrice de cette même société, cette dernière présentant un risque avéré de faillite, pensez à compenser, le cas échéant, les dettes entre elles pour estimer le montant de la charge probable globale. S’abstenir de procéder à cette compensation pourrait justifier un refus de déduction de la provision (le juge de l’impôt a admis, en pareille hypothèse, l’existence d’un acte anormal de gestion).

Exemple. Si vous devez constater une provision pour travaux suite à un sinistre (réparation d’une toiture par exemple), vous n’avez pas, s’agissant d’une provision pour charges, à tenir compte du montant de l’indemnité d’assurance dont le versement est attendu pour estimer le montant de cette provision.

Mais… La déduction fiscale d’une provision pour charge est, par principe, subordonnée à la comptabilisation des produits correspondants. Mais, en pratique, cette condition vise les provisions comptabilisées pour faire face à des charges liées à une opération qui se déroule sur plusieurs exercices et pour lesquelles l’entreprise a déjà perçue des recettes. C’est le cas, par exemple, d’une provision pour garantie (la garantie étant facturée au client).

Exemple. C’est précisément ce qui est arrivé à une société qui a constitué une provision pour charges ne respectant la règlementation comptable. Cette société a fait construire une résidence hôtelière qu’elle a revendu par lots à des investisseurs : 110 lots la 1ère année et 42 lots l’année suivante. A la fin de la 1ère année, le chantier ayant pris du retard, elle a constitué une provision pour charges, destinée à « tenir compte des travaux à finir », qu’elle déduit de son résultat imposable.

À l’occasion d’un contrôle fiscal, l’administration refuse la déduction de cette provision rappelant que pour pouvoir déduire une provision pour charges au titre d’un exercice comptable, encore faut-il que les produits correspondant à ces charges soient comptabilisés au titre du même exercice.

Ici, la société n’apporte aucun élément tendant à prouver que les travaux restants à finir à la fin de la 1ère année (donc les charges) correspondaient aux 110 lots ayant été vendus la même année (donc les produits comptabilisés).En l’absence de preuves, le juge n’a pas d’autre choix que de refuser à son tour la déduction de la provision et donc, de maintenir le redressement fiscal.


Déduction fiscale des provisions : sur la forme

2 conditions essentielles ! Respecter les conditions dites « de fond » ne suffit pas : vous devez également faire attention à ce que les conditions « de forme » soient aussi respectées.

La 1ère… Votre provision doit être régulièrement comptabilisée : cela suppose donc que la règlementation comptable soit elle-même respectée. Il faut, à cet égard, rappeler qu’au plan comptable, s’agissant des provisions pour risque et charge, une provision s’analyse comme un passif lui-même défini comme une obligation de l’entreprise à l’égard d’un tiers dont il est probable qu’elle va provoquer une sortie de ressources au bénéficie de ce tiers, sans contrepartie (au moins équivalente) attendue de ce tiers.

La 2ème … Votre provision doit être reportée sur le tableau des provisions, qu’il faut joindre en annexe à votre déclaration de résultats.

Le saviez-vous ?

Le défaut de mention sur le tableau des provisions est sanctionné par une amende de 5 % des sommes non reportées, ramenée à 1 % si la provision omise est déductible.


Déduction fiscale des provisions : et après ?

Attention. Soulignons tout d’abord que si la provision ne respecte les conditions précitées, l’administration sera en droit de la « rapporter » aux résultats de l’entreprise : en clair, la déduction fiscale sera refusée, et le montant de la provision, au lieu d’être déduit, sera donc intégré dans le résultat imposable de l’entreprise.

Plusieurs scenarii. Le sort de la provision va dépendre des situations :

  • tant que la perte ou la charge provisionnée est probable, la provision sera justifiée et pourra figurer dans les comptes de l’entreprise ;
  • si la perte ou la charge se réalise effectivement, la provision doit être rapportée aux résultats : parce que vous l’aurez déduite au moment de sa constitution, la « reprise de provision » viendra augmenter le résultat de l’entreprise (ce produit vient annuler la charge antérieurement déduite) ; dans le même temps, vous porterez en déduction définitive le montant de la perte ou de la charge anciennement provisionnée ;
  • si la perte ou la charge ne se réalise définitivement pas, la provision devient sans objet : elle sera, là encore, rapportée aux résultats de l’entreprise.

Le saviez-vous ?

En cas de cessation d’activité, les provisions constituées antérieurement, et non encore reprises, doivent être réintégrées dans le résultat calculé au titre du dernier exercice d’exploitation, même si le risque qui constitue l’objet de la provision n’a pas disparu à la date de la cessation de l’entreprise.

À retenir

Retenez qu’une provision, régulièrement comptabilisée, sera déductible si elle est destinée à faire face à une charge ou une perte, nettement précisée, elle-même déductible, que des évènements en cours à la clôture de l’exercice rendent probable.
 

J'ai entendu dire

Promoteur immobilier, j’ai acheté des parcelles de terrain dans le but de construire un ensemble. Suite à des problèmes administratifs, les travaux ont pris énormément de retard. A la clôture de mon exercice comptable, j’ai donc décidé de constituer et déduire une provision pour dépréciation de stock, ce que l’administration m’a refusé. Elle m’a en effet indiqué que comme j’avais comptabilisé mes achats dans un compte « en cours de production et travaux » et non comme un élément de stock, je ne pouvais constituer qu’une provision pour perte. A-t-elle raison ?

Oui, dans votre situation, l’administration a malheureusement raison. Les éléments d’actifs comptabilisés comme des « productions en cours » ne peuvent jamais faire l’objet d’une provision pour dépréciation de stock : ils peuvent seulement faire l’objet d’une provision pour perte.

Pour information, la différence principale tient au mode de calcul de ces 2 provisions : la provision pour dépréciation de stock s’obtient par différence entre le prix de vente théorique du bien au jour de la constitution de la provision et son prix d’achat initial (ce que l’on appelle généralement le prix de revient), tandis que la provision pour pertes correspond au seul prix de revient.
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