Recourir à l'intérim : des possibilités limitées
L’intérim doit rester exceptionnel
CDD = intérim ? Même s’il s’agit de deux modalités particulières de recrutement différentes, force est de constater une certaine similitude entre le CDD et l’intérim, tout du moins en ce qui concerne le motif du recours à un recrutement de cette nature.
La mission. Comme pour le contrat à durée déterminée, en effet, le recours à l’intérim suppose l’exécution d’une tâche temporaire et précise (la mission) dans le cadre de cas limitativement énumérés par la Loi. Le principe est le suivant : le contrat d’intérim ne peut avoir, ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Attention ! Le recours à des contrats successifs pour des motifs autorisés et justifiés n’entraîne pas systématiquement une requalification des contrats de mission en CDI. C’est ce qui a déjà été jugé à propos d’un intérimaire qui parfois remplaçait des salariés absents, alors que l’employeur déplorait un fort taux d’absentéisme, parfois répondait à un accroissement temporaire d’activité résultant de problèmes techniques concernant le secteur d’activité.
Recours à l’intérim : dans quels cas est-ce possible ?
Remplacement du salarié. Vous pourrez faire appel à un intérimaire pour assurer le remplacement d’un salarié, en cas :
- d'absence,
- de passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur,
- de suspension de son contrat de travail,
- de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe,
- d'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer.
Le saviez-vous ?
En principe, vous ne pouvez pas recourir à l’intérim pour remplacer plusieurs salariés absents : vous risquez une requalification du contrat en CDI.
Cependant, à titre expérimental du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020 et dans des secteurs d’activité déterminés par Décret, il est possible de recourir à l’intérim pour le remplacement de plusieurs salariés absents. Cette expérimentation pourrait être prolongée et ces contrats dérogatoires pourraient être conclus jusqu’au 1er janvier 2023. A suivre…
Surcroît d’activité. Il en sera de même si le recrutement d’un intérimaire est motivé par un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (il ne faut pas que ce recrutement ait pour but de pourvoir à un emploi permanent lié à l’activité ou de faire face à un besoin structurel de main d’œuvre). Il peut s’agir de tâches occasionnelles (précisément définies et non durables), de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité, de commande exceptionnelle à l’exportation.
Le saviez-vous ?
Il n’est pas nécessaire que l’intérimaire soit affecté à la réalisation même des tâches liées à l’accroissement temporaire d’activité. Mais il demeure impératif, en tout état de cause, qu’il y ait un lien établi entre le pic d’activité et le recours à l’intérim, et que l’entreprise utilisatrice puisse en justifier.
Exemple. Le recours à des salariés intérimaires peut être autorisé pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant de l'accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans qu'il soit nécessaire que l'accroissement présente un caractère exceptionnel.
Emploi saisonnier ou emploi d’usage. Un autre cas de recours possible à l’intérim concerne les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs définis, il est d'usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (consulter la liste réglementaire des secteurs d’activité concernés). Un emploi qui serait indispensable à l’activité normale et permanente de l’entreprise ne saurait être pourvu via des CDD d’usage.
Remplacement du chef d’entreprise. Comme pour le CDD, vous pouvez faire appel à l’intérim pour pourvoir au remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d'une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l'activité de l'entreprise à titre professionnel et habituel ou d'un associé non salarié d'une société civile professionnelle, d'une société civile de moyens ou d'une société d'exercice libéral ou remplacement du chef d'une exploitation agricole, d'un aide familial, d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'exploitation agricole.
Autres hypothèses. Le recours à l’intérim est, enfin, possible :
- lorsque la mission de travail temporaire vise, en application de dispositions légales ou d'un accord de branche étendu, à favoriser le recrutement de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ;
- lorsque l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice s'engagent à assurer un complément de formation professionnelle au salarié ;
- lorsque l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice s'engagent à assurer une formation professionnelle au salarié par la voie de l'apprentissage, en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles.
Une expérimentation. À titre expérimental, du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2023, un nouveau cas de recours à l’intérim est créé : il s’agit du recours à un travailleur handicapé, bénéficiaire de l’obligation d’emploi. Une entreprise de travail temporaire peut donc mettre à disposition d’une entreprise utilisatrice un travailleur temporaire au seul motif qu’il est travailleur handicapé, bénéficiaire de l’obligation d’emploi.
Attention aux contrats de mission successifs. À l'expiration d'un contrat de mission, vous ne pourrez pas, pour pourvoir un même poste, recourir ni à un CDD, ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission (renouvellement inclus), égal au 1/3 de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat est de 14 jours ou plus, à la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat est inférieure à 14 jours (les jours pris en compte pour apprécier ce délai devant séparer les 2 contrats sont les jours d'ouverture de l'entreprise utilisatrice).
Une requalification ? Pour autant, le non-respect du délai de carence entre le contrat de mission et un CDD, par exemple, ne permet pas au salarié d’obtenir la requalification de son CDD en CDI.
Le saviez-vous ?
Ce délai de carence n'est pas applicable :
- lorsque le contrat de mission est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ;
- lorsque le contrat de mission est conclu pour l'exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité ;
- lorsque le contrat est conclu pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier ou pour lequel il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi ;
- lorsque le contrat est conclu pour assurer le remplacement du chef d’entreprise, de son conjoint participant à l’activité ou d’un associé ;
- lorsque le salarié est à l'initiative d'une rupture anticipée du contrat ;
- lorsque le salarié refuse le renouvellement de son contrat de mission, pour la durée du contrat non renouvelé.
Recours à l’intérim : dans quels cas est-ce interdit ?
Attention. Vous ne pouvez pas toujours embaucher un salarié en intérim. Comme pour le CDD, des cas d’interdiction de recours à l’intérim sont prévus.
Tout d’abord, vous ne pourrez pas embaucher un intérimaire pour remplacer un salarié gréviste, pour des travaux dangereux, sauf dérogation du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (consulter la liste) ou pour remplacer un médecin du travail.
En outre, dans les 6 mois suivant un licenciement pour motif économique, vous ne pourrez pas faire appel à un intérimaire pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité, y compris pour l'exécution d'une tâche occasionnelle, précisément définie et non durable, ne relevant pas de l'activité normale de l'entreprise utilisatrice (cette interdiction vise les postes concernés par le licenciement). Cette interdiction ne s'applique pas lorsque la durée du contrat de mission n'est pas susceptible de renouvellement et n'excède pas 3 mois ou lorsque le contrat est lié à la survenance dans l'entreprise d'une commande exceptionnelle à l'exportation dont l'importance nécessite la mise en œuvre de moyens quantitativement ou qualitativement exorbitants de ceux que l'entreprise utilise ordinairement. Cette possibilité de recrutement est subordonnée à l'information et à la consultation préalables du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe.
Enfin, (sous réserve des accords internationaux), il est interdit à une entreprise de travail temporaire de mettre à la disposition de quelque personne que ce soit des travailleurs étrangers si la prestation de service s'effectue hors du territoire français.
Le saviez-vous ?
En tout état de cause, n’oubliez pas que vous ne pouvez pas avoir recours à l’intérim pour des missions qui s’inscrivent dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’entreprise, sans qu’elles correspondent à un accroissement temporaire d’activité effectif.
Recours à l’intérim : quelle sanction ?
Une requalification en CDI ! Conclu en dehors des cadres légaux, le contrat d’intérim pourra être requalifié en contrat à durée indéterminée ! C’est ce qui est arrivé à une entreprise du bâtiment qui a recruté un intérimaire pour des tâches liées à la préparation et au démarrage d’un chantier : les juges ont considéré dans cette affaire que les missions confiées à l’intérimaire relèveraient de l’activité normale et permanente de l’entreprise, sans qu’elles puissent correspondre à un accroissement temporaire d’activité justifiant le recours au travail temporaire.
Conséquence… Le salarié peut prétendre, dans ce cas, à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à 1 mois de salaire en tenant compte à la fois du salaire de base mais également de ses accessoires le cas échéant (indemnités de déplacement ou d’outillage, par exemple). La fin de la mission intervenue entre temps s’analysera, par ailleurs, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse source de dommages-intérêts. Par ailleurs, il a été jugé que le salarié qui a obtenu la requalification de son contrat en CDI peut prétendre à une indemnité de préavis qui s’ajoute à l’indemnité de précarité. C’est ce qu’a par exemple dû verser une entreprise à un intérimaire avec qui elle avait conclu 108 contrats de mission sur 2 ans, le juge ayant constaté que le salarié avait toujours effectué au cours de ses missions les mêmes tâches.
Qui paie ? Les deux. La demande de requalification du contrat en CDI peut être formulée par l’intérimaire aussi bien contrat contre l’entreprise utilisatrice que contre l’entreprise de travail temporaire. Le cas échéant, les 2 entreprises seront condamnées solidairement au paiement des indemnités de rupture du contrat dues au salarié. Cela signifie que les sommes pourront être réglées par l’une ou l’autre des entreprises, ou les 2 ensemble.
Qui paie ? Une seule. Cela étant, sachez que si l’entreprise utilisatrice confie à un intérimaire un poste qui s’inscrit dans son activité normale et permanente, elle seule sera condamnée à des sanctions. Les juges ont, en effet, précisé que, sauf entente illicite entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice, la requalification en CDI ne peut, en principe, être prononcée qu'à l'encontre de l'entreprise utilisatrice.
Sort de l'indemnité de requalification. L’indemnité de requalification reste exclusivement à la charge de l’entreprise utilisatrice.
Le saviez-vous ?
L’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire sont solidairement responsables des conséquences de la rupture du contrat résultant d’une requalification des contrats de mission en CDI.
Toutefois, en cas de requalification des contrats de mission en CDI, l’entreprise utilisatrice ne peut pas réclamer des dommages-intérêts au titre d’un manquement de l’entreprise de travail temporaire à son une obligation de conseil portant sur la pertinence du recours au contrat de travail temporaire.
A retenir
Dans certaines hypothèses, vous n’êtes pas autorisé à embaucher un intérimaire. Vérifiez votre situation et comparez-la aux possibilités (strictement encadrées par les textes) qui vous autorisent à faire appel à l’intérim.
- Articles L 1251-5 et suivants, L 1251-41, L 4154-1 et L 5221-4 du Code du Travail
- Articles D 1251-1 à D 1251-2 et D 4154-1 à D 4154-6 du Code du Travail
- Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, articles 53 et 67
- Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale
- Circulaire du 30 octobre 1990 relative au contrat de travail à durée déterminée et au travail temporaire (DRT n° 18/90) (N/P)
- Décret n° 2019-1388 du 18 décembre 2019 définissant les secteurs d'activité autorisés à mettre en œuvre l'expérimentation sur le remplacement de plusieurs salariés par un seul salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 23 février 2005, n° 02-40336 (affectation de l'intérimaire)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 mars 2005, n° 02-45410 (le salarié qui a obtenu la requalification de son contrat en CDI peut prétendre à une indemnité de préavis)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 24 avril 2013, n° 12-11793 et 12-11954 (contrats d’intérim successifs)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 19 juin 2013, n° 11-26620 (requalification en CDI – seule l’entreprise utilisatrice est condamnable)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 9 avril 2014, n° 12-28329 (accroissement temporaire d'activité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 24 septembre 2014, n° 13-14199 (contrat de mission conclu pour des missions correspondant à l’activité normale et permanente de l’entreprise)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 9 avril 2015, n° 14-10168 (requalification en CDI de 108 contrats de missions d’intérim)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 3 mai 2016, n° 14-29739 (l’indemnité de requalification est calculée sur le salaire de base et ses accessoires)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 21 juin 2017, n° 16-10999 (accroissement d’activité et besoin structurel de main d’œuvre)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 juillet 2017, n° 15-27286 et 15-27320 (intérim et reprise temporaire d’une activité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 20 décembre 2017, n° 15-29519 (solidarité ETT et entreprise utilisatrice en cas de requalification des missions en CDI)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 16 mai 2018, n° 17-11200 (recours à l’intérim pour des contrats successifs et absence de requalification en CDI)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 13 juin 2018, n° 17-14974 (l’obligation de conseil de la société d’intérim ne porte pas sur la pertinence du choix du contrat)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 mars 2019, n° 17-15173 (usage et exemple d’un docker effectuant des tâches temporaires)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 mars 2019, n° 18-10857 (CDD d’usage et emploi à caractère indispensable à l’activité normale et permanente de l’entreprise)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 février 2020, n° 18-17179 (charge du paiement de l’indemnité de requalification)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 23 septembre 2020, n° 18-24193 (contestation sur le caractère temporaire de l’accroissement d’activité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 03 février 2021, n° 18-24793 (intérim et accroissement temporaire d’activité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 avril 2023, n° 21-13508 (indemnité de requalification à la charge exclusive de l’entreprise utilisatrice)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 27 septembre 2023, no 21-21154 (pas de requalification pour non-respect du délai de carence entre un CDD et un contrat de mission)
Pour aller plus loin…