Renouvellement du bail rural : connaître les dispositions essentielles
L’exploitant agricole bénéficie d’un droit au renouvellement du bail rural
Un droit qui vous est reconnu ! Le bail rural ne peut pas prévoir une clause qui aurait pour effet de faire échec à votre droit au renouvellement : si tel était le cas, cette clause serait nulle. Cela signifie qu’au terme prévu par le bail rural, vous bénéficiez d’un droit au renouvellement de ce bail, droit qui suppose toutefois que certaines conditions soient respectées.
Quel intérêt ? Le contrat de bail rural se poursuivra pour une nouvelle durée de 9 ans : en pratique, le renouvellement du bail s'opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration, toutes les clauses du bail initial étant donc en principe reconduites.
Modifier les clauses du bail initial. Pour modifier les clauses du bail initial, à défaut d’accord entre les parties, il faut saisir le Tribunal paritaire des baux ruraux.
Le saviez-vous ?
Au moment du renouvellement du bail, l’exploitant agricole ne peut pas refuser l'introduction d'une clause de reprise à la fin de la 6e année suivant ce renouvellement au profit du conjoint, du partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'un ou de plusieurs descendants majeurs ou mineurs émancipés du bailleur, qui devront exploiter personnellement les lieux loués.
Des conditions à respecter. Pour bénéficier du droit au renouvellement, l’exploitant agricole doit respecter les conditions suivantes :
- justifier par tous moyens qu’il satisfait aux conditions légales qui lui incombent, c’est-à-dire exploiter effectivement une activité agricole ;
- être en règle avec le contrôle des structures (autorisation d’exploiter, respect des conditions de capacité professionnelles, etc.) ;
- disposer de capacités financières suffisantes ;
- ne pas avoir atteint l’âge de la retraite agricole.
À noter. En cas de départ de l'un des conjoints ou partenaires d'un pacte civil de solidarité (Pacs), cotitulaire du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l'exploitation a droit au renouvellement du bail.
Quand l’exploitant agricole ne veut pas renouveler le bail rural… Lorsque l’exploitant agricole ne veut pas renouveler le bail rural, il doit notifier sa décision au bailleur au moins 18 mois avant l'expiration du bail. Notez qu’avec l’accord exprès du bailleur, le délai de préavis peut être réduit, notamment si l’agriculteur quitte les lieux loués bien avant l’expiration du bail rural.
Le cas (particulier) des copreneurs au bail. Il est possible que le bail rural soit consenti à plusieurs locataires, désignés alors comme « copreneurs » au bail. Lorsque l’un des copreneurs d’un bail rural cesse d’exploiter les terres agricoles louées, les autres copreneurs ont l’obligation de demander la poursuite du bail dans un délai de 3 mois à compter de cette cessation. Peu importe qu’ils soient des personnes physiques, ou des personnes morales.
Le renouvellement et le refus du bail rural
Un renouvellement automatique du bail rural. Vous n’avez pas de demande à faire. Une fois le terme du bail rural arrivé, celui-ci est automatiquement renouvelé pour une période de 9 ans.
Le bailleur peut s’opposer au renouvellement du bail rural. Un bailleur peut s'opposer au renouvellement du bail rural. Pour cela, il doit notifier un congé avec refus de renouvellement à l’exploitant agricole, 18 mois au moins avant l'expiration du bail, par acte extrajudiciaire (c’est-à-dire par huissier de justice ou par LRAR). Ce délai est de 2 ans en cas de refus de renouvellement pour reprise.
Un refus motivé. À peine de nullité, le congé doit :
- mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur ;
- indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d'empêchement, d'un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l'habitation ou éventuellement les habitations que devra/devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris.
Motifs de refus de renouvellement. Les motifs de refus de renouvellement du bail rural peuvent notamment être les suivants :
- l'âge du fermier, lorsqu’il a atteint l'âge de la retraite ;
- la reprise du bien par le bailleur pour la construction d'une habitation ;
- la reprise du bien par le bailleur pour son propre bénéfice ou au profit de son conjoint, partenaire pacsé, ou d'un descendant ;
- 2 défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de 3 mois après mise en demeure postérieure à l'échéance ;
- des agissements de l’exploitant agricole de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d’œuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation, ou encore qu’il n’a pas correctement entretenu le fonds agricole ;
- le non-respect par l’exploitant agricole des clauses relatives à la protection de l’environnement ;
- la cession ou la sous-location des lieux loués malgré l’interdiction prévue au bail rural ;
- l’apport du droit au bail à une société civile d'exploitation agricole ou à un groupement de propriétaires ou d'exploitants par l’exploitant agricole sans l’agrément du bailleur.
Pour la petite histoire. Le juge a récemment rappelé que la possibilité de mettre fin au bail rural lorsque les agissements de l’exploitant agricole sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds concerne uniquement le fonds loué. Si ces agissements compromettent un autre fonds, le bailleur ne pourra pas refuser le renouvellement pour ce motif.
Pour la petite histoire (bis). Le juge estime qu’une même échéance, faisant l’objet de deux mises en demeure différentes, non régularisée dans les 3 mois suivants la deuxième, est suffisant pour résilier le bail.
Une mention obligatoire ! Le congé de refus de renouvellement doit impérativement contenir la mention suivante : « Le congé peut être déféré par le preneur au tribunal paritaire dans un délai fixé par décret, à dater de sa réception, sous peine de forclusion. La forclusion ne sera pas encourue si le congé est donné hors délai ou s'il ne comporte pas les mentions exigées à peine de nullité par l'article L 411-47 du code XXX.
Le tribunal apprécie les motifs allégués par le propriétaire lors de la notification du congé. S'il constate que le congé n'est pas justifié par l'un des motifs mentionnés à l'article L 411-31, il ordonne le maintien du preneur dans l'exploitation pour un bail d'une nouvelle durée de neuf ans ».
Attention ! Le congé de refus de renouvellement n’est pas nul si l'omission ou l'inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le bailleur en erreur.
Opposition de l'exploitant agricole. L’exploitant agricole peut s’opposer au refus de renouvellement du bailleur lorsqu'il se trouve à moins de 5 ans de l'âge de la retraite ou à 5 ans de l’âge lui permettant de bénéficier de la retraite à taux plein. Dans ce cas, le bail est prorogé pour une durée égale à celle qui permettra à l’exploitant agricole de bénéficier de la retraite à taux plein.
Comment s’opposer ? L’exploitant agricole doit, dans les 4 mois du congé qu'il a reçu, notifier au bailleur, par LRAR, sa décision de s'opposer au refus de renouvellement ou saisir directement le Tribunal paritaire en contestation de congé.
Suite à la prorogation. Si le bailleur entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, il doit donner de nouveau congé en respectant le même formalisme précité.
Pour la petite histoire. Il a été jugé que le congé délivré par un bailleur agricole était parfaitement valide même s’il comportait une erreur relative à l’année de naissance de son locataire. Par conséquent, l’action engagée par le locataire pour le contester était recevable et ce, même si celui-ci avait reçu un second congé de la part de son bailleur corrigeant l’erreur en cause.
Le saviez-vous ?
Le renouvellement entraîne la formation d’un 2nd bail, qui prive le propriétaire de la possibilité d'en demander la résiliation pour un défaut de paiement des fermages dus au titre du premier bail.
Refus de renouvellement : une indemnité de sortie pour l’exploitant agricole
Une indemnité. L’exploitant agricole évincé qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué, a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.
Une condition : des améliorations. Sont assimilées aux améliorations les réparations nécessaires à la conservation d'un bâtiment indispensable pour assurer l'exploitation du bien loué ou l'habitation du preneur, effectuées avec l'accord du bailleur par l’exploitant agricole et excédant les obligations légales de ce dernier. Il en est de même des travaux ayant pour objet de permettre d'exploiter le bien loué en conformité avec la réglementation.
Un délai. L’exploitant agricole a 1 an, à compter de la date de fin du bail, pour solliciter l’indemnité.
Comment prouver les améliorations ? La preuve des améliorations résulte de la comparaison entre l’état des lieux d’entrée et l’état des lieux de sortie. En cas de litige, il est possible de recourir à un expert judiciaire.
Bon à savoir. Pour permettre le paiement de l'indemnité due, les banques peuvent accorder aux bailleurs qui en font la demande des prêts spéciaux à long terme.
À noter. La clause aux termes de laquelle l’exploitant agricole renonce à l’indemnité de sortie est nulle.
À retenir
Le renouvellement du bail rural a pour conséquence une reconduction des clauses du bail initial. Le bailleur peut s’opposer au renouvellement du bail rural : dans ce cas, il doit verser une indemnité de sortie à l’exploitant agricole évincé.
- Articles L 411-46 et suivants du Code rural et de la pêche maritime
- Articles R 411-10 et suivants du Code rural et de la pêche maritime
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 26 mars 2014, n° 13-13433 (nullité de la clause de renonciation au renouvellement du bail rural)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 13 septembre 2018, n° 17-10492 (nullité de la clause de renonciation à l’indemnité de sortie)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 13 septembre 2018, n° 16-25641 (résiliation du bail rural-défaut d’entretien)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 23 mai 2019, n° 16-17895 (absence de renonciation du bailleur à réduction du préavis de départ)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 21 janvier 2021, n° 20-10916 (fermage impayé et incidence du renouvellement du bail rural)
- Arrêt de la cour de cassation, 3e chambre civile, du 18 février 2021, n° 20-10915 (refus de renouvellement d’un bail rural)
- Arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2021, n° 20-14141 (résiliation d'un bail rural suit au retrait de l'un des locataires)
- Arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2021, n° 20-14141 (lorsque l’un des copreneurs d’un bail rural cesse d’exploiter les terres agricoles louées, les autres copreneurs ont l’obligation de demander la poursuite du bail dans le délai imparti, et ce, qu’ils soient des personnes physiques ou des personnes morales)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 18 mars 2021, n° 20-12348 (confirmation d’une annulation de bail rural suite à deux mises en demeure concernant une même échéance non régularisée dans les 3 mois suivant la deuxième)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 13 octobre 2021, n° 20-15572 (le congé délivré par un bailleur est valide même s’il comporte une erreur relative à l’année de naissance de son locataire)