Succession : ce qu’il faut savoir sur la réserve héréditaire
Succession et réserve héréditaire : pour qui, pour quoi ?
La protection de certains héritiers. Alors que dans de nombreux pays étrangers il est possible de transmettre son patrimoine librement hors de sa famille, cela n’est pas possible en France. Ainsi, le patrimoine du défunt reviendra, en partie, obligatoirement à certains membres de sa famille : c’est ce que l’on appelle la « réserve héréditaire ».
Lesquels ? Seuls les descendants (enfants, petits-enfants, etc.) et le conjoint survivant (en l’absence de descendant) bénéficient de la réserve héréditaire. Cela signifie que si un défunt laisse seulement pour lui succéder un frère, une sœur ou des neveux et nièces, il peut tout à fait décider de transmettre son patrimoine à un ami.
À noter. La réserve héréditaire s’applique pour le patrimoine du défunt résidant en France.
Tout le patrimoine est-il protégé ? Non, la réserve héréditaire ne vaut pas pour la totalité du patrimoine du défunt. Il reste toujours une partie librement transmissible à des héritiers non réservataires : c’est la « quotité disponible ».
Bon à savoir. Notez qu’en cas d’atteinte à la réserve héréditaire, il est possible d’engager une « action en réduction ». Celle-ci ne sera pas développée dans cette fiche.
Réserve héréditaire et quotité disponible : comment ça se calcule ?
Quand calculer le montant de la réserve héréditaire ? La réserve héréditaire se calcule au moment du décès.
Avec des enfants. En présence d’enfants, la réserve héréditaire est la suivante :
Nombre d’enfants |
Réserve héréditaire |
Quotité disponible |
1 |
1/2 |
1/2 |
2 |
2/3 |
1/3 |
3 ou plus |
3/4 |
1/4 |
Exemple. Si un défunt laisse 4 enfants, la réserve globale est de 3/4 de son patrimoine. Cela signifie que chaque enfant a droit à une réserve individuelle de 3/16e. Autrement dit, chacun a 1/4 des 3/4 de la réserve héréditaire.
À noter. Si l’un des enfants du défunt est prédécédé sans postérité, il n’est pas pris en compte pour le calcul de la réserve globale. En reprenant notre exemple précédent, cela signifie que le défunt laisse 3 enfants (le 4e prédécédé n’est pas comptabilisé) et que chaque enfant a droit à une réserve individuelle de 1/4 (chaque enfant a 1/4 des 3/4 de la réserve héréditaire).
À noter (bis). Si un des enfants du défunt est prédécédé avec postérité, il est pris en compte pour le calcul de la réserve globale. Toujours en reprenant notre exemple précédent avec un enfant prédécédé qui laisse 2 descendants : ces derniers se partagent la réserve individuelle de 3/16e qui revient à leur parent prédécédé, soit 6/32e.
À noter (ter). Il existe une particularité lorsque des petits-enfants viennent à la succession d’un grand-parent dans l’hypothèse d’un enfant unique prédécédé. Prenons l’exemple d’un défunt qui laisse pour lui succéder 2 petits-enfants, son fils étant prédécédé. Dans cette situation, le juge considère que la réserve héréditaire reste de 1/2 (soit 1/4 pour chacun des petits-enfants), bien que les petits-enfants viennent à la succession de leur propre chef.
Quand un enfant renonce. Lorsqu’un enfant renonce à la succession, il n’est pas pris en compte pour le calcul de la réserve héréditaire globale, sauf :
-
lorsqu’il est représenté à la succession par ses propres enfants ;
-
lorsqu’il est tenu de rapporter une libéralité à la succession.
Sans enfant et marié. Lorsque le défunt n’a pas d’enfant et est marié, le conjoint survivant est « héritier réservataire », la réserve étant alors de 1/4 de la succession.
Ni enfant, ni mariage. Dans cette situation, le défunt n’a pas d’héritier réservataire. Il peut donc disposer de son patrimoine librement.
Réserve héréditaire et quotité spéciale entre époux : c’est quoi ?
Pour rappel. La propriété d’un bien se décompose en 3 parties : l’usus, le fructus et l’abusus. L’addition de l’usus et du fructus est appelée « usufruit », l’abusus étant la « nue-propriété ». L’addition des 3 donne la « pleine propriété ». Dans une succession, l’usufruit et la nue-propriété peuvent se trouver répartie différemment entre les ayants droits (on parle de « démembrement de propriété »).
1re possibilité. Si les époux ne prévoient rien de particulier pour leur succession, c’est le Code civil qui indique les parts des héritiers. Il faut alors distinguer 2 situations :
- tous les enfants du défunt sont issus du couple : dans ce cas, le conjoint survivant a le choix entre l’usufruit de toute la succession ou ¼ en pleine propriété ;
- au moins un enfant du défunt n’est pas issu du couple : le conjoint survivant aura ¼ de la succession en pleine propriété.
2de possibilité : la quotité spéciale entre époux. Lorsqu’il est bénéficiaire d’une libéralité en présence de descendants (enfants, petits-enfants, etc.), le conjoint survivant bénéficie d’une quotité disponible élargie, pour le protéger, dite « quotité disponible spéciale entre époux ».
Mise en œuvre. Il existe une option entre 3 quotités spéciales entre époux :
-
la pleine propriété de la quotité disponible ordinaire ;
-
1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit ;
-
la totalité de la succession en usufruit.
Pour résumer. Concrètement, voici les différentes options :
Nombre d’enfants |
Réserve héréditaire globale des enfants |
Quotité spéciale entre époux disponible |
1 |
1/2 en pleine propriété |
1/2 en pleine propriété |
3/4 en nue-propriété |
1/4 en pleine propriété + 3/4 en usufruit |
|
Toute la nue-propriété |
Tout l’usufruit |
|
2 |
2/3 en pleine propriété |
1/3 en pleine propriété |
3/4 en nue-propriété |
1/4 en pleine propriété + 3/4 en usufruit |
|
Toute la nue-propriété |
Tout l’usufruit |
|
3 ou plus |
3/4 en pleine propriété |
1/4 en pleine propriété |
3/4 en nue-propriété |
1/4 en pleine propriété + 3/4 en usufruit |
|
Toute la nue-propriété |
Tout l’usufruit |
Qui choisit l’option retenue ? C’est le défunt qui est le titulaire du choix de l’option. Toutefois, il peut parfaitement décider de déléguer son pouvoir au conjoint survivant.
Protection des enfants contre les libéralités en usufruit. Pour protéger les descendants du défunt, ceux-ci peuvent demander la conversion de l’usufruit en rente viagère.
Protection des enfants contre les libéralités en pleine propriété. Elle ne profite qu’aux enfants non communs du défunt et du conjoint survivant. Concrètement, un enfant non commun peut demander que la libéralité en pleine propriété soit convertie en libéralité en usufruit. En contrepartie, il doit abandonner au conjoint survivant la part d’usufruit qu’il aurait recueillie en son absence.
À retenir
En France, les descendants (enfants, petits-enfants, etc.) et le conjoint survivant du défunt (en l’absence d’enfant) ne peuvent pas être déshérités car ils sont protégés par le mécanisme de la « réserve héréditaire ». Celle-ci ne porte toutefois pas sur la totalité du patrimoine du défunt car la « quotité disponible » peut être librement transmise à une autre personne.
- Article 757 du Code civil (enfants communs ou non communs et époux survivant)
- Article 759 du Code civil (conversion en rente viagère de l’usufruit du conjoint survivant)
- Articles 912 et suivants du Code civil (réserve héréditaire et quotité disponible)
- Articles 1091 et suivants du Code civil (dispositions entre époux)
- Règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen