Vendre les parts de votre société et partir à la retraite : bénéficiez d’un régime fiscal avantageux ! (depuis le 1er janvier 2018)
Vendre vos titres et partir en retraite : déterminer la plus-value « brute »
Prix de vente. Le prix de vente à retenir pour le calcul de votre plus ou moins-value sera, s’agissant de titres non cotés, le prix que vous avez effectivement convenu avec votre acheteur. Il sera augmenté de toutes les charges et indemnités stipulées à votre profit (par exemple la prise en charge d’une dette vous incombant) et diminué des frais et taxes que seriez amené à payer (commission d’intermédiaires, honoraires de conseil liés à l’évaluation des titres, etc.).
Prix d’acquisition. Il faut ici retenir le prix pour lequel ces titres sont entrés dans votre patrimoine : valeur d’achat, valeur d’apport, valeur retenue pour le calcul des droits de mutation si ces titres ont été acquis par voie de donation ou de succession. Ce prix sera majoré des frais d’acquisition : droits d’enregistrement ou de mutation payés lors de leur acquisition, frais d’actes, honoraires, etc.
Le saviez-vous ?
Si vous avez obtenu une réduction d’impôt sur le revenu pour souscription au capital des PME, le prix d’acquisition des titres de votre société doit, pour le calcul de la plus-value imposable, être diminué de la réduction d’impôt effectivement obtenue.
Une plus ou moins-value. La différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition fera donc apparaître une plus-value ou une moins-value imposable à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.
En cas de moins-value… Si vous constatez une moins-value (c’est-à-dire une perte), vous ne pouvez pas vous en servir pour diminuer, à hauteur de son montant, vos autres revenus soumis à l’impôt. Il vous faudra procéder de la façon suivante :
- les moins-values subies au cours d’une année sont imputées impérativement sur les plus-values de même nature imposables au titre de la même année : attention, pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018 et pour lesquels le dirigeant opte pour l’imposition de la plus-value au titre du barème progressif (cf infra), les moins-values seront à imputer avant application des abattements pour durée de détention ;
- en cas de solde positif, les plus-values subsistantes sont réduites, le cas échéant, des moins-values subies au cours des années antérieures, jusqu’à la 10ème inclusivement : attention, pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018 et pour lesquels le dirigeant opte pour l’imposition de la plus-value au titre du barème progressif (cf infra), les plus-values subsistantes devront être réduites des moins-values des années antérieures avant application des abattements pour durée de détention ;
- en cas de solde négatif, l’excèdent de moins-values non imputé est reporté et imputé dans les mêmes conditions au titre des années suivantes jusqu’à la 10ème inclusivement.
Vendre vos titres et partir en retraite : déterminer la plus-value « imposable »
Depuis le 1er janvier 2018, les plus-values de cession de titres que vous réalisez sont soumises à l’impôt sur le revenu au titre du prélèvement forfaitaire unique (PFU), aussi appelé « flat tax », au taux unique de 12,8 %, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2 % (soit un taux global de 30 %).
Un calcul. Le PFU est calculé sur la base du montant des plus-values qui subsiste après imputation des pertes (moins-values).
Un abattement fixe spécifique. Avec la mise en place du PFU, un nouvel abattement fixe de 500 000 € pour les dirigeants partant à la retraite a été créé. Il ne s’applique que pour les cessions de titres réalisées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2024, que la plus-value soit taxée à l’impôt sur le revenu au titre du PFU ou, sur option du contribuable, au titre du barème progressif.
Si les titres ont été achetés avant le 1er janvier 2018. Si vous faites le choix d’opter pour l’imposition au titre du barème progressif, vous pourrez bénéficier, pour certaines cessions seulement, des abattements pour durée de détention, sous réserve que les titres vendus aient été achetés avant le 1er janvier 2018. Ainsi, sont maintenus :
- l’abattement de droit commun pour durée de détention de 50 % (pour les titres détenus depuis au moins 2 ans et moins de 8 ans), ou de 65 % (pour les titres détenus depuis plus de 8 ans) ;
- l’abattement renforcé de 50 % (pour les titres détenus depuis au moins 1 an et moins de 4 ans), 65 % (pour les titres détenus depuis au moins 4 ans et moins de 8 ans) ou 85 % (pour les titres détenus depuis au moins 8 ans) applicable uniquement en cas de cession de titres de PME de moins 10 ans.
Attention. L’abattement fixe de 500 000 € n’est pas cumulable, le cas échéant, avec l’abattement de droit commun ou avec l’abattement renforcé pour les cessions de titres de PME de moins de 10 ans.
Un choix. Il est important de noter que le dirigeant partant à la retraite peut, lorsqu’il vend des titres acquis avant le 1er janvier 2018 et qu’il opte pour l’imposition du gain à l’impôt sur le revenu selon le barème progressif, renoncer à l’application de l’abattement fixe pour bénéficier des abattements pour durée de détention.
Tableau récapitulatif. Pour plus de lisibilité, n’hésitez pas à consulter le tableau récapitulatif ci-dessous.
Titres achetés avant le 1er janvier 2018 |
Titres achetés après le 1er janvier 2018 |
PFU ou sur option, application du barème progressif
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PFU ou sur option, application du barème progressif
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Si PFU :
Si barème progressif :
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Si PFU :
Si barème progressif :
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Vendre vos titres et partir en retraite : une optimisation sous conditions
Vous concernant. Vous devez :
- avoir exercé au sein de la société une fonction de direction de manière continue pendant les 5 années précédant la vente de vos titres (ce qui est valable pour tous les cédants, y compris les associés d’une société d’exercice libérale à forme anonyme ou à responsabilité limitée, ou encore le directeur général d’une SAS même si les statuts ne lui confèrent pas le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers) ;
- avoir détenu les titres cédés depuis au moins 1 an à la date de la cession ;
- avoir détenu directement ou par personne interposée ou par l'intermédiaire de votre conjoint (époux(se) ou partenaire de Pacs) ou de vos ascendants ou descendants ou de vos frères et sœurs, de manière continue pendant les 5 années précédant la cession, au moins 25 % du capital de la société dont les titres sont cédés ;
- cesser toute fonction dans la société dont vous vendez les titres et faire valoir vos droits à la retraite dans les 2 années suivant ou précédant la vente. Par exception, lorsque le cédant a fait valoir ses droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, et que son départ à la retraite précède la cession, le délai est porté à 3 ans.
Un conjoint ? Pour l’appréciation du seuil de détention de 25 % du capital, il n’est jamais tenu compte des titres détenus par le concubin notoire.
Attention. L’exercice d’une fonction, quelle qu’elle soit, après votre départ en retraite, et après ce délai de 2 ans, même à titre bénévole ou à titre salarié au sein de la société dont vous avez vendu les titres, vous ferait perdre le bénéfice de l’avantage fiscal. Si un accompagnement de l’acquéreur est prévu, il convient de veiller à ce qu’il ne soit pas fait en contradiction avec ces conditions pour éviter toute remise en cause du régime de faveur.
Concernant la fonction de direction. Le juge a récemment rappelé que la condition relative à l’occupation d’une fonction de direction pendant 5 ans n’était valablement remplie que dans le cas où le gérant d’une SARL se prévalant de l’abattement a été désigné comme tel par les statuts de la société. A contrario, une seule gérance “de fait”, de la société l’empêche de prétendre à l’application de l’avantage fiscal.
Délai de 2 ans. Il est important de préciser que le délai de 2 ans à respecter ne commence pas à courir uniquement à partir de la cession des titres. Il commence à courir à partir du 1er évènement qui intervient : la vente des titres ou le départ en retraite.
2+2 ? L’administration a refusé le bénéfice de l’avantage fiscal à un dirigeant, considérant que s’il avait bien pris sa retraite 23 mois avant la vente de ses titres, il exerçait toujours la fonction de directeur commercial plus de 2 ans après l’ouverture de ses droits à la retraite. Une argumentation balayée par le juge de l’impôt qui a annulé le redressement fiscal et rappelé que :
- le bénéfice de l’avantage fiscal suppose que le dirigeant ait cessé toute fonction dans la société cédée et qu’il ait fait valoir ses droits à la retraite au cours d’une période de 4 ans, allant de 2 ans avant à 2 ans après la vente ;
- rien n’impose que la cessation des fonctions intervienne avant la mise à la retraite ou inversement ;
- rien n’impose que ces évènements (cessation des fonctions et mise à la retraite) interviennent tous deux avant ou après la vente, ni qu’ils se succèdent dans un délai plus rapproché que la période de 4 ans.
Concernant la société. Elle doit être soumise à l’impôt sur les sociétés, employer moins de 250 salariés et réaliser un chiffre d’affaires inférieur à 50 M€ ou avoir un total de bilan inférieur à 43 M€ à la clôture du dernier exercice.
Donc. Les ventes de titres de sociétés imposées à l’IR ne permettent donc pas de bénéficier de cet abattement pour départ à la retraite.
Cas particulier du changement de régime fiscal. Dès lors qu’un changement de régime fiscal n’emporte pas la création d’une nouvelle société, juridiquement distincte de la précédente, il est sans incidence pour l’appréciation des conditions d’application de l’abattement (et notamment de la condition tenant à l’exercice de fonction de direction dans la société dont les titres sont cédés durant les 5 années précédant la vente).
Nature de l’activité. La société doit exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, de façon continue, pendant les 5 ans précédant la cession des titres. En revanche, l’activité consistant à gérer de façon exclusive le patrimoine mobilier ou immobilier de la société dont les titres sont cédés n’ouvre pas droit à l’avantage fiscal.
Cas particulier des « holding animatrices ». Toutes conditions remplies, la vente de titres de sociétés holding animatrices peut vous permettre de bénéficier de l’abattement de 500 000 €. Une holding animatrice est une société qui, outre la gestion de ses propres participations financières, participe activement à la conduite de la politique interne de ses filiales et, le cas échéant, leur fournit certains services spécifiques (administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers).
Cas particulier des « holdings non animatrices ». Dans sa documentation, l’administration fiscale précise que l’abattement de 500 000 € peut aussi s’appliquer aux ventes de titres de holdings « non animatrices » dès lors :
- qu’elles ne font qu’exercer les prérogatives usuelles d’un actionnaire (droits de vote et droits financiers) ;
- et dont l’objet social exclusif est la détention de participations dans des sociétés opérationnelles éligibles ou dans des holdings animatrices.
Concernant la vente. Vous devez vendre l'intégralité des actions, parts ou droits que vous détenez dans la société dont les titres sont vendus. Par tolérance, l’administration admet que le vendeur détienne une participation dans la société qui achète les titres, à hauteur de 1 % au maximum. Ce pourcentage de 1 % s’apprécie au jour de la vente des titres et pendant les 3 années qui suivent la cession.
A retenir
La plus-value réalisée à l’occasion de la vente de vos titres doit désormais être soumise à l’impôt sur le revenu, calculé suivant application du prélèvement forfaitaire unique au taux de 30 %. Si vous y avez intérêt, vous pouvez opter pour l’imposition au titre du barème progressif, ce qui vous permettra, si les titres cédés ont été acquis avant le 1er janvier 2018, de conserver le bénéfice de certains abattements pour durée de détention.
J'ai entendu dire
A quel moment faut-il se placer pour apprécier la date du départ en retraite ?Il s’agit de la date à laquelle vous faites valoir vos droits à la retraite : il s’agit donc de la date à laquelle vous entrez en jouissance des droits acquis dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel vous êtes affilié à raison de vos fonctions de direction ou dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auprès duquel vous avez été affilié au titre de l’activité que vous cédez (si vous n’avez été affilié auprès d'aucun régime obligatoire de base pour votre fonction de direction). Notez, en outre, qu’il n’est pas exigé que vous liquidiez votre retraite au taux plein ou que, dans le même temps, vous entriez en jouissance des droits acquis auprès d’un régime de retraite complémentaire.
- Article 150-0 D ter du Code général des impôts
- Loi de finances pour 2018, n°2017-1837, du 30 décembre 2017 (article 28)
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 20 décembre 2018, n°17PA00747 (participation dans l’entreprise cessionnaire limitée à 1 % et abus de droit)
- Réponse ministérielle Quentin, Assemblée Nationale, du 18 juin 2019, n° 6666 (régime applicable dans les SELAFA et dans les SELARL)
- Arrêt du Conseil d’État du 12 septembre 2019, n°431862 (taux de CSG applicable aux ventes de titres intervenues en 2017)
- Arrêt du Conseil d’État du 16 octobre 2019, n°417364 (départ à la retraite, cessation des fonctions et délai global de 4 ans)
- BOFiP-impôts-BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10
- BOFiP-Impôts-BOI-RPPM-PVBMI-20-40-10-20 (holding non animatrice)
- Arrêt du Conseil d’État du 13 février 2020, n°425825 (seuil de détention de 25 % du capital de la société dont les titres sont cédés et non prise en compte des titres détenus par le concubin notoire)
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 2 juillet 2020, n°19VE00795 (départ à la retraite, cessation des fonctions et délai global de 4 ans)
- Réponse ministérielle Lambert du 1er septembre 2020, Assemblée nationale, n°18942 (changement de régime fiscal de la société dont les titres sont cédés)
- Arrêt du Conseil d’État du 21 octobre 2020, n° 437598 (fonction de directeur général dans une SAS)
- Arrêt de la cour administrative d’appel du 26 novembre 2020, n° 19NT00244 (dirigeant devenu salarié)
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 27 mai 2021, n°18VE01996 (la vente n’a pas porté sur l’intégralité des titres et le seuil de détention de 25 % du capital social dans les 5 ans précédant la vente n’a pas été respecté)
- Loi de finances pour 2022 du 30 décembre 2021, n°2021-1900 (article 19)
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux, 4ème chambre, du 10 mai 2022, n° 19BX04959 (abattement dirigeant - départ à la retraite et gérance de fait)
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 5 janvier 2023, n° 19LY02829 (abattement dirigeant - reprise d’une fonction dirigeante)
- Réponse ministérielle Gatel du 28 septembre 2023, Sénat, no 06476 : « Abattement fixe applicable aux gains de cession de titres de petites et moyennes entreprises réalisés par les dirigeants lors de leur départ à la retraite »