Dirigeants de société et action en comblement de passif : 2 cas vécus…
Action en comblement de passif : responsable, mais pas coupable ?
Pour rappel, on parle « d’action en comblement de passif », lorsque le dirigeant d’une société placée en liquidation judiciaire est personnellement poursuivi pour des fautes de gestion qu’il a commises et qui ont contribué à aggraver les dettes (on parle de « passif ») de la société.
En d’autres termes, cette action est donc utilisée lorsqu’on considère que les fautes du dirigeant ont contribué à mettre la société en difficulté financière.
C’est ainsi qu’à la suite de la mise en liquidation judiciaire de sa société, un gérant se voit condamné à prendre en charge une partie des dettes de celle-ci.
A tort, selon lui, puisqu’une telle condamnation ne peut être prononcée que dans le cas où le dirigeant a commis une faute intentionnelle, qui excède la simple négligence.
Ce qui n’est pas le cas ici, puisqu’il s’est, selon ses propres termes, seulement « désintéressé » de la gestion de la société.
« Pas seulement, justement », rétorque le juge qui rappelle que le gérant a été à la tête de la société pendant plus de 6 ans et qu’il ne pouvait donc pas ignorer les pertes de chiffre d’affaires que celle-ci enregistrait, ni les dettes de cotisations sociales qu’elle accumulait.
D’autant, poursuit-il, que la concomitance entre la démission du gérant de ses fonctions et la date de dépôt de la déclaration de cessation des paiements de la société prouve qu’il avait parfaitement conscience des difficultés financières traversées par cette dernière.
Parce que tous ces éléments caractérisent bien la faute du gérant ayant contribué à aggraver la situation financière de la société, sa condamnation est bel et bien justifiée…
Action en comblement de passif : responsable, mais pas coupable (bis) ?
Le liquidateur judiciaire d’une SARL décide d’engager la responsabilité de son gérant.
Le motif ? Celui-ci a procédé à une distribution fautive de dividendes aux associés, alors même que la situation financière de la société nécessitait la constitution de réserves, en vue d’apurer l’ensemble de ses dettes…
« Ce n’est pas ma faute » rétorque le gérant qui rappelle qu’au sein d’une SARL, la décision de distribuer les dividendes appartient à l’assemblée générale des associés. Ce qui empêche, par conséquent, de lui en faire porter la responsabilité…
« Non ! », tranche le juge, puisque c’est justement le gérant qui a convoqué l’assemblée générale ayant voté la distribution des dividendes, mais que c’est également lui qui a pris cette décision, en tant que représentant légal de la société qui s’avère être l’associé unique de la SARL.
Parce qu’il a donc privé la SARL de la majeure partie de ses réserves pour favoriser une société dans laquelle il était personnellement intéressé, le gérant doit être condamné à prendre en charge une partie de ses dettes...
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 8 avril 2021, n° 19-25802 (NP)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 8 avril 2021, n° 19-23669 (NP)