LFR 2022, pacte Dutreil et « société opérationnelle » : fin du débat ?
Pacte Dutreil : fin du conflit entre le juge et l’administration fiscale
Pour mémoire, le pacte Dutreil est un dispositif fiscal de faveur visant à réduire le montant des droits de mutation qui sont dus dans le cadre de la transmission à titre gratuit des titres d’une société ou d’une entreprise individuelle.
Concrètement, la mise en place du pacte se décompose en deux temps :
- d’abord, la prise d’un engagement collectif de conservation des titres ou des biens transmis par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants droit, seul ou avec ses associés ;
- ensuite, la prise d’un engagement individuel de conservation des titres ou des biens transmis par chaque donataire, héritier ou légataire.
Plus précisément, le pacte Dutreil concerne (de manière directe ou indirecte) les parts ou actions de sociétés qui exercent une activité « opérationnelle », à savoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion donc des activités purement civiles (comme la gestion financière ou immobilière).
A ce sujet, le juge a récemment apporté une précision importante en ce qui concerne le caractère animateur d’une holding dont les titres font l’objet d’un engagement Dutreil.
Pour mémoire, on parle de « holdings animatrices » pour désigner celles qui, outre la gestion de leur portefeuille de participations, ont pour activité principale la participation active à la direction et à la conduite de la politique des sociétés qu’elles détiennent et aux contrôles de leurs filiales opérationnelles, et la délivrance de services spécifiques (administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers) à un niveau interne.
Lorsqu’elle est animatrice, une holding peut être considérée comme une société « opérationnelle » : par conséquent, ses titres peuvent faire l’objet d’un engagement Dutreil.
Dans l’affaire en question, le juge a estimé que si la condition tenant au caractère animateur de la holding devait être remplie au moment de la transmission de ses titres, rien n’imposait le maintien de cette fonction d’animation de groupe jusqu’au terme de l’engagement de conservation des titres.
Cette décision est venue contredire la position de l’administration fiscale qui exigeait jusqu’alors que la condition liée au caractère animateur de la holding soit remplie jusqu’au terme de l’engagement (collectif et individuel) de conservation des titres.
Pour contrer la portée de cette décision, la loi de finances rectificative inscrit dans la loi la nécessité que la société dont les titres font l’objet du pacte Dutreil exerce une activité opérationnelle à compter de la conclusion de l’engagement collectif de conservation et jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation.
Par dérogation, il est prévu que cette condition doit être satisfaite :
- à compter de la transmission des titres, lorsque les parts ou actions transmises par décès ont fait l'objet d'un engagement collectif de conservation par l’un ou les héritiers ou légataires entre eux ou avec d'autres associés dans les 6 mois qui ont suivi le décès ;
- depuis 2 ans au moins à la date de cette transmission, dans l’hypothèse où l’engagement collectif de conservation a été réputé acquis.
Pour rappel, l’engagement collectif de conservation des titres est « réputé acquis », lorsque les 2 conditions cumulatives suivantes sont remplies :
- le défunt ou le donateur (seul ou avec son conjoint, partenaire de Pacs ou concubin notoire) détient, de manière directe ou indirecte (avec un seul niveau d’interposition dans ce cas) et depuis au moins 2 ans, le quota des titres nécessaires pour l’engagement collectif ;
- l’un d’eux exerce, depuis plus de 2 ans, son activité principale au sein de la société, ou, si la société est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), une fonction de direction.
Ces nouvelles précisions s’appliquent aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022 ainsi qu’à celles pour lesquelles, à cette même date, les conditions suivantes sont remplies de manière cumulative :
- l’un des engagements collectif ou individuel de conservation est en cours ;
- la société dont les parts ou les actions sont transmises n’a pas cessé d’exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
- Loi de finances rectificative du 16 août 2022, n° 2022-1157 (article 8)