Vie professionnelle, vie personnelle : une frontière parfois mince
Accident lors d’une mission = accident de travail ?
Dans une 1ère affaire, un salarié s’est blessé dans une boîte de nuit, à 3 heures du matin, alors qu’il était en déplacement professionnel à l’étranger. La Sécurité sociale estime qu’il s’agit d’un accident de travail, ce que conteste l’employeur pour qui cette reconnaissance impactera nécessairement son taux de cotisation AT/MP.
Pour l’employeur, certes le salarié était à l’étranger pour des raisons professionnelles mais, s’il dansait en boîte de nuit, à 3 heures du matin, ce n’était certainement pas dans le cadre de ses fonctions. De ce fait, l’accident survenu ne peut pas être considéré, selon l’employeur, comme un accident de travail.
Faux, répond le juge qui confirme la position de la Sécurité sociale : pendant tout le temps de sa mission, le salarié doit être protégé contre les risques d’accident de travail, peu importe que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante. Pour exclure la qualification d’accident de travail, il appartient à l’employeur ou à la caisse de Sécurité sociale de prouver que le salarié a interrompu sa mission pour des motifs personnels.
Or, le seul fait que le salarié se trouve dans une discothèque ne suffit pas à prouver l’absence de lien avec son activité professionnelle : il aurait très bien pu accompagner des clients ou des collaborateurs, ou tout simplement répondre à une invitation dans le cadre de sa mission. C’est pourquoi, faute d’apporter la preuve contraire, cet accident doit être considéré comme un accident de travail.
Incident lors d’un séminaire= incident professionnel ?
Dans une autre affaire, une entreprise organise un séminaire de 2 jours dans une station balnéaire. A l’occasion de la soirée qui sépare ces 2 jours, un responsable d’équipe propose à ses collaborateurs de manger au restaurant, d’aller ensuite en discothèque, puis de prolonger la soirée sur la plage.
C’est alors que les salariés ont chahuté et que l’un d’eux a blessé une collègue en la jetant à l’eau, blessure qui lui a occasionné un mois d’arrêt de travail et a fait l’objet d’une déclaration d’accident de travail.
Mais l’employeur estime que, parce que le responsable d’équipe a laissé ses collaborateurs chahuter, permettant ainsi cet incident, et parce qu’il n’a pas jugé utile de sanctionner le salarié à l’origine des blessures de la victime, ce manager a commis des manquements qui justifient son licenciement. Ce que le responsable d’équipe conteste. Pour lui, le temps pendant lequel est survenu l’incident relève de sa vie privée.
Ce que confirme le juge qui précise que le licenciement motivé par un événement relevant de la vie privée d’un salarié et qui n’impacte pas la qualité du travail est sans cause réelle et sérieuse.
- Arrêt de la Cour de Cassation, 2ème chambre civile, du 12 octobre 2017, n° 16-22481
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 18 octobre 2017, n° 16-15030