Difficultés des entreprises : le point sur la liquidation judiciaire
La procédure de liquidation judiciaire : c’est quoi ?
Le contexte. Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés qui compromettent la poursuite de son activité, 3 procédures dites « collectives » (parce qu’elles concernent l’ensemble des créanciers ou du moins certaines catégories d’entre eux) sont susceptibles d’être mises en place :
- la procédure de sauvegarde judiciaire ;
- la procédure de redressement judiciaire ;
- la procédure de liquidation judiciaire.
Liquidation judiciaire : l’ultime étape ? La liquidation judiciaire se distingue des 2 autres procédures collectives en ce qu’elle vise non pas à la poursuite de l’activité de l’entreprise, mais à sa cessation. En d’autres termes, la procédure de liquidation judiciaire est celle qui se met en place lorsque la situation financière de l’entreprise apparaît irrémédiablement compromise.
La procédure de liquidation judiciaire : pour qui ?
Qui est concerné ? La procédure de liquidation judiciaire s’applique à toute personne (physique ou morale) exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole, industrielle ou indépendante (y compris une profession règlementée).
Le saviez-vous ?
La procédure de liquidation judiciaire est applicable à l’EIRL, la micro-entreprise et l’entreprise individuelle (EI), mais seulement en ce qui concerne son patrimoine affecté.
Par qui peut-elle être demandée ? La procédure de liquidation judiciaire peut être demandée :
- par un créancier (sauf si une procédure de conciliation est en cours) ;
- par l’entreprise elle-même ;
- ou par le procureur de la République (là encore, sauf si une procédure de conciliation est en cours).
La procédure de liquidation judiciaire : comment ?
La demande de cessation des paiements. Lorsqu’une entreprise se trouve dans l’impossibilité de faire face à ses dettes exigibles avec son « actif disponible » (c’est-à-dire sa trésorerie et l’ensemble des éléments qu’elle peut, à court terme, transformer en liquidités), elle est dans l’obligation d’effectuer une déclaration de cessation des paiements, dans les 45 jours qui suivent le constat de cet état.
Auprès de qui ? L’entreprise qui se trouve en état de cessation des paiements doit impérativement effectuer une déclaration en ce sens auprès :
- du tribunal de commerce s’il s’agit d’un commerçant, d’une société commerciale ou d’un artisan ;
- du greffe du tribunal judiciaire du lieu du siège de l’entreprise, dans les autres cas (exploitations agricoles, professions libérales, etc.).
Notez que les membres du comité social et économique peuvent communiquer au tribunal ou au ministère public tout fait révélant une situation de cessation des paiements.
Jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire. Après examen de la situation, et s’il estime la situation de l’entreprise irrémédiablement compromise, le tribunal prononce l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
La procédure de liquidation judiciaire : les conséquences
Suspension des poursuites. En principe, toutes les poursuites exercées à l’encontre de la société sont suspendues du fait de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. En d’autres termes, les créanciers dont les créances sont nées avant l'ouverture de la procédure ne peuvent plus engager de poursuites en justice pour obtenir leur paiement, ni faire procéder à des saisies pour faire exécuter des décisions de justice déjà obtenues.
Attention. Dans une affaire récente, un liquidateur réclame à la banque d’une société en liquidation judiciaire le solde de son compte. Mais, parce qu’elle a reçu un avis à tiers détenteur de l’administration fiscale avant l’ouverture de la procédure collective, la banque a prélevé certaines sommes sur le compte et versé le reste au liquidateur. Un prélèvement valable, selon le juge.
Plus précisément. Le jugement d’ouverture de la procédure collective interrompt toute action en justice de la part des créanciers qui tend :
- au paiement d’une somme d’argent par l’entreprise ;
- ou à la résiliation d’un contrat pour défaut de paiement.
Une nuance ? Il a été jugé que l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre d’une entreprise ne fait pas obstacle à ce que ses clients demandent l’annulation d’un contrat signé avec elle pour dol (tromperie). Dans cette histoire, un couple a acheté des panneaux photovoltaïques auprès d’une entreprise. Après la mise en liquidation judiciaire de celle-ci, le couple a demandé l’annulation de son contrat pour tromperie. Une demande contestée par le liquidateur de l’entreprise, qui a rappelé que l’ouverture d’une procédure collective interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur (ici l’entreprise) au paiement d’une somme d’argent. Sauf, a relevé le juge, que la demande du couple tendait à obtenir la nullité du contrat pour tromperie… ce qui la rend donc recevable.
Pour la petite histoire. Un couple de particuliers achète un immeuble en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) à une société civile immobilière (SCI). Mais quelques mois plus tard, celle-ci est placée en liquidation judiciaire. Le couple décide de demander en justice l’annulation du contrat de vente et la restitution de la partie du prix qu’il a déjà versée.
Le juge a estimé son action recevable : le couple a effectivement demandé l’annulation du contrat de vente en raison de l’absence de livraison du bien par la SCI, c'est-à-dire pour une cause autre que le non-paiement d’une somme d’argent. Sa demande est donc parfaitement recevable, et ce, même si elle s’accompagne d’une demande de restitution de la partie du prix de vente déjà versée.
Que contient le jugement d’ouverture ? Dans le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire, le tribunal désigne notamment :
- un liquidateur judiciaire, chargé d’exercer, en lieu et place de l’entreprise (ici le « débiteur »), ses droits et actions patrimoniales sur ses biens (on parle de « dessaisissement du débiteur ») ; en clair, le liquidateur va devoir gérer l'entreprise pendant toute la durée de la liquidation ;
- un juge-commissaire, chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts des parties (et notamment des créanciers de l’entreprise).
Depuis le 1er octobre 2021, l'entreprise a l’obligation de porter à la connaissance du mandataire judiciaire l'identité des personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
Pourquoi ? Cette démarche vise à permettre au mandataire judiciaire d’informer ces personnes de leur possibilité de bénéficier des dispositions relatives à la procédure de surendettement.
Dessaisissement du débiteur : le dirigeant aussi ? Il a été jugé que lorsqu’une société est en liquidation judiciaire, son dessaisissement de ses droits et actions patrimoniales ne s’étend pas à son dirigeant. Dès lors, celui-ci a la possibilité de demander l’indemnisation de son préjudice personnel à l’ancien bailleur de la société, avec lequel celle-ci était en litige.
À noter. La liquidation n'entraîne pas la dissolution de la société : celle-ci ne sera prononcée que lors de la clôture de la procédure.
Cessation d’activité. Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire entraîne l’arrêt immédiat de l’activité de l’entreprise concernée, sauf autorisation expresse du tribunal, qui peut, à titre exceptionnel, permettre la poursuite de l’activité pour une durée de 3 mois (qui peut être prolongée une fois, à la demande du ministère public).
Mission du liquidateur judiciaire. Le liquidateur a diverses missions, et doit notamment :
- gérer l’entreprise le temps de la procédure ;
- gérer le règlement des créanciers de l’entreprise ;
- convoquer l’assemblée de associés afin de leur faire un rapport sur la situation de la société ;
- recouvrer les sommes dues à l’entreprise, en saisissant, si nécessaire, le juge ;
- etc.
Concernant les actifs de la société. Le liquidateur est aussi chargé de « réaliser l’actif » de la société, ce qu’il signifie qu’il doit :
- céder totalement ou partiellement l'entreprise (se met alors en place un « plan de cession » de l’entreprise) ;
- vendre de manière isolée les biens de l’entreprise.
Mandataire judiciaire : gare à votre responsabilité ! Il a été jugé que l’administrateur judiciaire d’une société placée en redressement puis en liquidation judiciaire qui commet une faute dans le cadre de la procédure de licenciement de plusieurs salariés protégés de l’entreprise engage sa responsabilité personnelle, dès lors que sa faute a empêché l’homologation des licenciements par l’inspection du travail, et ainsi provoqué le transfert des contrats de travail des salariés en question au repreneur de l’activité.
Une obligation de publicité. Notez que toute « réalisation d’actif » intervenant dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire doit obligatoirement faire l’objet d’une publication préalable.
Le saviez-vous ?
Certaines personnes ont l’interdiction de formuler une offre d’achat de la société ou de ses biens : il s’agit notamment de tout dirigeant de fait ou de droit de la société, mais également de ses parents ou alliés jusqu’au 2e degré.
Concernant les contrats de travail des salariés. Le liquidateur est aussi chargé de rompre les contrats de travail liant les salariés, en respectant la règlementation relative au licenciement économique applicable dans ce cas.
Saisine de l’AGS. Le liquidateur doit également, dans le cadre de sa mission, saisir l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) afin d’obtenir le règlement des créances des salariés.
Concernant le règlement des créanciers. Toutes les créances que les créanciers détiennent contre l'entreprise deviennent immédiatement exigibles, même si elles ne sont pas encore échues.
Obligation de déclarer les créances. Ceux-ci doivent alors déclarer leurs créances au liquidateur judiciaire, dans un délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bodacc.
Un règlement « par ordre ». Le produit de la liquidation de l’entreprise est réparti entre les créanciers, en respectant l’ordre de règlement de leurs créances.
Attention à l’extension de la procédure ! Notez qu’il est possible, pour le tribunal en charge de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, d’étendre celle-ci à d’autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui de l’entreprise visée par la procédure.
À ce sujet, le juge a récemment estimé qu’une procédure de liquidation judiciaire peut être étendue à la holding associée unique d’une société dès lors qu’il existe des flux financiers anormaux entre elles qui rendent impossible la détermination de leur patrimoine respectif.
Pour la petite histoire. Le juge a estimé que l’inscription en débit sur le compte courant d’associés par un dirigeant, après avoir retiré de l’argent à son profit, ne suffit pas à exclure le caractère anormal de la relation financière et donc, établit l’existence d’une confusion de patrimoines.
La clôture de la liquidation judiciaire. Le juge ordonne la clôture de la procédure de liquidation judiciaire lorsque :
- les opérations de liquidation ne peuvent plus être poursuivies, en raison de l’importance des dettes de l’entreprise ;
- le liquidateur a assez de liquidités pour rembourser les créanciers de l’entreprise (ce qui est plutôt rare en pratique).
Le point sur la procédure de liquidation judiciaire simplifiée
La procédure de liquidation judiciaire simplifiée, c’est quoi ? La procédure de liquidation judiciaire simplifiée est une forme allégée et accélérée de liquidation judiciaire, qui bénéficie aux petites entreprises.
Quelles entreprises sont concernées ? Les entreprises qui sont concernées par la procédure de liquidation judiciaire simplifiée sont celles qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :
- elles ne possèdent pas de bien immobilier,
- elles ont employé 5 salariés tout au plus au cours des 6 mois qui précèdent l’ouverture de la procédure,
- leur chiffre d’affaires (CA) hors taxes est égal ou inférieur à 750 000 € à la date de la clôture du dernier exercice comptable.
Depuis le 1er octobre 2021, et dans le sillage des dispositions temporairement applicables pendant la crise sanitaire, il est prévu que lorsque le débiteur est une personne physique, seule la condition relative à l’absence de possession d’un bien immobilier est requise.
Déroulé de la procédure. Dans les 4 mois qui suivent le jugement décidant la procédure simplifiée, le liquidateur organise la vente des biens mobiliers de gré à gré ou aux enchères publiques. S’il reste des biens à l'issue de cette période, ils seront vendus aux enchères publiques.
Coronavirus (COVID-19) : aménagement des dispositions relatives aux difficultés des entreprises
Nouveau contexte, nouvelles règles. La crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus a provoqué l’aménagement des règles applicables aux difficultés des entreprises.
Pour en savoir plus, consultez notre fiche sur ce point : Coronavirus (Covid-19) : le point sur les procédures collectives
À retenir
Lorsqu’une entreprise ne peut plus redresser sa situation financière, elle fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, ce qui met fin à son activité. La procédure de liquidation judiciaire peut faire l’objet d’une application simplifiée, pour certaines petites entreprises.
- Articles L 640-1 et suivants du Code de commerce
- Articles R 640-1 et suivants du Code de commerce
- Articles L 1233-58 et suivants du Code du travail
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 6 janvier 2021, no 19-19600 (lorsqu'une personne morale de droit privé est en liquidation judiciaire, son dessaisissement ne s'étend pas à son dirigeant)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 3 février 2021, no 19-13434 (l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre d’une entreprise ne fait pas obstacle à ce que des clients à elle demandent l’annulation d’un contrat signé avec elle pour dol)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 19 mai 2021, no 19-23519 (le mandataire judiciaire d’une société mise en liquidation judiciaire qui commet une faute dans la procédure de licenciement de salariés protégés engage sa responsabilité personnelle dès lors que sa faute a empêché l’homologation des licenciements par l’inspection du travail, et ainsi provoqué le transfert des contrats de travail des salariés en question au repreneur de l’activité)
- Ordonnance no 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce
- Décret no 2021-1218 du 23 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce
- Décision de la Cour d’appel de Paris du 7 septembre 2021, no 20/18226 (NP) (extension de la procédure de liquidation judiciaire)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 15 juin 2022, no 21-10802 (liquidation judiciaire et demande d’annulation d’un contrat de vente immobilière)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 29 mars 2023, no 21-21005 (jugement d'ouverture de liquidation judiciaire et ses effets sur le dirigeant social)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, 24 mai 2023, no 21-21424 (annulation d’un chèque émis par la CARPA au profit d’un avocat)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 14 décembre 2022, no 21-18549 (pas de vendange lorsque la récolte aggrave le passif de la société)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 13 septembre 2023, no 21-21693 (inscription en débit sur le compte courant d’associés insuffisant pour exclure l’anormalité d’une relation financière entre un dirigeant et une société)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 25 octobre 2023, no 21-22993 (articulation entre l’avis à tiers détenteur et l’ouverture de la liquidation judiciaire)