Le point sur la procédure de redressement judiciaire
Procédure de redressement judiciaire : pour qui ?
Procédure de redressement judiciaire = procédure collective. La procédure de redressement judiciaire est une procédure dite « collective », en ce qu’elle concerne tous les créanciers de l’entreprise, ou du moins certains d’entre eux.
Le but ? La procédure de redressement judiciaire vise à placer une société sous contrôle du juge afin d’organiser le règlement de ses dettes et la poursuite de son activité.
Pour qui ? Toutes les entreprises individuelles (commerçant, artisan, agriculteur, professionnel indépendant), les sociétés et les associations peuvent, si leur état financier l’exige, faire l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.
Attention à « l’état de cessation des paiements » ! La procédure de redressement judiciaire n’est mise en place qu’à l’égard des entreprises considérées en « état de cessation des paiements ».
Le principe. On parle de « cessation des paiements » lorsqu’une entreprise ne peut plus régler ses dettes (appelées « passif exigible ») avec son actif disponible (c‘est-à-dire tout ce qui peut être transformé en liquidités dans l’immédiat ou à très court terme, comme sa trésorerie ou ses réserves de crédit).
Focus sur le « passif exigible ». Le « passif exigible » de la société est constitué de l’ensemble des dettes de l’entreprise qui sont arrivées à terme, et dont les créanciers peuvent réclamer immédiatement le paiement. Les dettes concernées sont celles qui sont certaines (c’est-à-dire non-contestées par l’entreprise) et qui ont un montant déterminé. Il peut s’agir des factures arrivées à échéances, des salaires à verser, etc.
Procédure de redressement judiciaire : comment ?
Étape 1 : la déclaration de cessation des paiements. L’entreprise (via son représentant légal s’il s’agit d’une société) qui se trouve en état de cessation des paiements doit impérativement effectuer une déclaration de son état auprès :
- du tribunal de commerce s’il s’agit d’un commerçant, d’une société commerciale ou d’un artisan ;
- du greffe du tribunal judiciaire du lieu du siège de l’entreprise, dans les autres cas (exploitations agricoles, professions libérales, etc.).
Formulaire à utiliser. Pour effectuer sa déclaration, l’entreprise doit utiliser le formulaire Cerfa n° 10530*02, disponible sur le site service-public.fr.
À noter. Un créancier de l’entreprise ou le Procureur de la République peuvent aussi demander l'ouverture de la procédure.
Étape 2 : l’ouverture de la procédure. Après avoir entendu le dirigeant et, le cas échéant, les représentants du Comité Social et Economique (CSE), le tribunal va, si sa situation financière le permet, décider de la mise en redressement judiciaire de l’entreprise, et fixer la date de cessation des paiements.
À défaut ? Si la situation financière de l’entreprise est trop compromise, le juge peut décider de prononcer directement sa mise en liquidation judiciaire.
L’effet : la suspension des poursuites. Toutes les poursuites exercées à l’encontre de la société sont suspendues du fait de l’ouverture de la procédure. En d’autres termes, les créanciers qui existaient avant l'ouverture de la procédure ne peuvent plus engager de poursuites en justice, ni faire procéder à des saisies pour faire exécuter des décisions déjà obtenues.
Mais aussi ? Les majorations et les intérêts sont également suspendus.
Désignation des acteurs de la procédure. Le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire doit désigner :
- un juge-commissaire, qui veille au bon déroulement de la procédure ;
- un mandataire judiciaire qui agit au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers ;
- un administrateur judiciaire chargé de surveiller voire d’assister l’entreprise dans sa gestion ;
- un ou plusieurs contrôleur(s) parmi les créanciers ;
- un représentant parmi les salariés.
À noter. Le tribunal n’est pas obligé de désigner un administrateur judiciaire lorsque l’entreprise a un nombre de salariés inférieur à 20 et un chiffre d’affaires hors taxes inférieur à 3M€.
Appel de la décision. Le dirigeant de l’entreprise, mais aussi le créancier poursuivant ou le Ministère public, peuvent faire appel de la décision du tribunal dans les 10 jours suivant sa notification.
Bon à savoir. L'entreprise a l’obligation de porter à la connaissance du mandataire judiciaire l'identité des personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
Pourquoi ? Cette démarche vise à permettre au mandataire judiciaire d’informer ces personnes de leur possibilité de bénéficier des dispositions relatives à la procédure de surendettement.
Période d’observation. L’ouverture d’une procédure de redressement judicaire donne lieu à la mise en place d’une période d’observation, qui doit permettre de déterminer si l’entreprise est économiquement viable ou non via l’établissement d’un bilan économique et social.
Poursuite de l’activité. Au cours de la période d’observation, l’entreprise poursuit son activité avec l’aide de l’administrateur désigné par le juge. Celui-ci peut également être chargé d’administrer seul l’entreprise, si la situation l’exige.
Pour mémoire, l’entreprise mise sous redressement judiciaire peut, en principe, accomplir tous les actes de gestion nécessaires à la poursuite de son activité. Par exception toutefois, elle est dans l’obligation de solliciter l’autorisation du juge-commissaire désigné par le tribunal pour pouvoir effectuer un « acte de disposition » étranger à la gestion courante.
C’est ce que vient de récemment rappeler le juge, en estimant que la résiliation, par une entreprise en redressement judiciaire, du bail relatif au local dans lequel elle exploite son fonds de commerce constitue justement un tel acte. Par conséquent, son accomplissement requiert obligatoirement l’autorisation préalable du juge-commissaire.
Pour combien de temps ? La période d’observation est d’une durée maximale de 6 mois renouvelable, et ne peut dépasser 18 mois maximum.
Procédure de redressement judiciaire : quelle finalité ?
Cas 1 : le plan de redressement. À la suite du bilan économique et social de l’entreprise, un plan de redressement est soumis à l’approbation du juge. Le plan peut contenir diverses mesures, plus ou moins radicales, qui visent à permettre la poursuite de l’activité et l’apurement des dettes (par exemple le changement du chef d’entreprise).
Concernant le projet de plan, et le plan arrêté par le tribunal. Le projet de plan et le plan arrêté par le tribunal doivent mentionner les apports de trésorerie pris pour son exécution.
Privilège de remboursement. Les créances résultant de ces apports bénéficient d’un privilège de remboursement : cela signifie que les personnes qui en sont titulaires sont payées en priorité par rapport aux autres créanciers, dans la limite du montant de leur apport.
À noter. Cette disposition ne s'applique pas aux apports consentis par les actionnaires et associés de l'entreprise dans le cadre d'une augmentation de capital.
Adoption du plan de redressement. Ce plan, dont la durée maximale peut être de 10 ans, doit permettre de poursuivre l’activité de l’entreprise, de maintenir les emplois et d’apurer les dettes.
Surveillance de l’exécution du plan. S’il arrête un plan de redressement judiciaire, le tribunal doit nommer un administrateur ou un mandataire judiciaire chargé de veiller à l’exécution du plan.
Pour la petite histoire. Dans une affaire récente, le mandataire chargé de veiller à l’exécution du plan de redressement d’une société constate que cette dernière ne l’applique pas. Il demande donc au juge de prononcer la résolution du plan, ainsi que la mise en liquidation judiciaire de la société.
Solution. Le juge refuse cette dernière demande. Si le non-respect du plan de redressement conduit bien à sa résolution, la mise en liquidation judiciaire de la société nécessite un état de cessation de paiements, ce qui ici n’était pas prouvé.
Cas 2 : la liquidation judiciaire. Si la situation de l’entreprise est considérée comme trop compromise, le tribunal peut ouvrir la procédure de liquidation judiciaire.
Cas 3 : la cession totale ou partielle de l’entreprise. Le redressement de l’entreprise peut aussi passer par la cession totale ou partielle de l’entreprise, ce qui nécessite la désignation d’un repreneur de l’activité.
Cas 4 : clôture de la procédure. Le juge peut aussi clôturer la procédure de redressement s’il apparaît que l’entreprise dispose finalement des sommes suffisantes pour rembourser ses créanciers.
À retenir
La procédure de redressement judiciaire est une procédure « collective », qui vise à permettre à l’entreprise d’apurer ses dettes tout en poursuivant son activité. Le tout sous le contrôle du juge…
- Article L 620-2, L 631-2 et L 640-2 du Code de commerce (entités visées par les procédures collectives)
- Article L 621-1 et suivants du Code de commerce (cessation des paiements)
- Articles L 631-4 et L 640-1 du Code de commerce (délai de 45 jours pour demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire)
- Article L 621-3 et L 631-7 du Code de commerce (durée de la période d’observation)
- Articles L 621-1, L 631-7 et L 641-1 du Code de commerce (audition par le juge des personnes qu’il juge nécessaire d’auditionner pour l’instruction d’une demande d’ouverture de procédure collective)
- Article L 621-4 du Code de commerce (désignation obligatoire d’un mandataire et d’un administrateur judiciaire)
- Art L 661-1 du Code de commerce (appel de la décision)
- Ordonnance no 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce
- Décret no 2021-1218 du 23 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 8 septembre 2021, no 20-12340 (la résiliation du bail commercial relatif au local dans lequel une entreprise placée en redressement judiciaire exerce son activité nécessite l’obtention de l’autorisation du juge-commissaire)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 7 février 2024, no 22-11904 (la résolution d’un plan de redressement pour non-respect n’entraîne pas la liquidation judiciaire de l’entreprise, sauf état de cessation des paiements)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 6 mars 2024, no 22-23993 (créance née après la période d’observation et avant le placement en liquidation judiciaire)