Litige avec un client : quel délai avez-vous pour agir ?
Litige avec un client : qu’est-ce que la prescription ?
Un délai pour agir… Le « délai de prescription » limite la période durant laquelle vous pouvez agir lorsque vous êtes en litige avec un client. Une fois le délai atteint, vous ne pouvez plus agir : le but est notamment de désengorger les tribunaux de conflits vieux de plusieurs années.
…prévu par la Loi. Le délai est prévu par la Loi. Il en existe plusieurs : vous avez sûrement déjà entendu parler, par exemple, de « prescription biennale » (le délai pour agir est de 2 ans) ou de « prescription quinquennale » (le délai pour agir est alors de 5 ans). Mais il en existe d’autres…
Quel est le point de départ du délai ? Vous devez commencer à faire courir le délai à compter du jour où vous connaissez ou auriez dû connaître les faits vous permettant d’exercer votre droit à agir. Il a récemment été jugé que le point de départ du délai de prescription restait le moment où l’entreprise a eu connaissance des faits en question, et non la date à laquelle elle avait établi les factures, même si celle-ci était plus tardive.
Interruption ou suspension du délai. Le délai peut être interrompu (dans ce cas, un nouveau délai recommence à courir, de la même durée que l’ancien) ou suspendu (le délai ayant déjà couru n’est pas effacé).
Le saviez-vous ?
La médiation et la conciliation sont des causes de suspension du délai de prescription.
Délai de 5 ans dit « quinquennal ». La prescription de 5 ans est celle qui s’applique par principe. C’est, par exemple, le délai dont dispose un « consommateur » ou un « non-professionnel » à l’égard d’un professionnel ou celui d’un professionnel à l’égard d’un autre professionnel.
Délai de 10 ans. Il s’agit du délai dont dispose toute personne victime d’un dommage corporel, mais également du délai pour exécuter une décision de justice et du délai durant lequel la responsabilité des constructeurs et de leurs sous-traitants est engagée.
Délai de 30 ans. La prescription trentenaire vaut pour les actions en matière immobilière (en cas de litige portant sur un droit de propriété, une servitude, etc.) et pour la réparation de dommages environnementaux.
Délai de 2 ans dit « biennal ». Il s’agit du délai pendant lequel un professionnel peut agir contre un « consommateur » et un « non-professionnel ».
Le saviez-vous ?
Il est impossible de prévoir contractuellement une dérogation à la prescription biennale.
Attention ! Il existe d’autres délais spécifiques. Par exemple, un « consommateur » a 1 an pour agir contre un déménageur.
Litige avec un client : illustrations pratiques des délais pour agir
Illustrations. Vous trouverez ci-dessous quelques exemples qui permettent d’illustrer l’application des prescriptions.
Le saviez-vous ?
Les relations employeur/salarié sont soumises à des délais de prescription spécifiques, notamment en matière de paiement du salaire. Pour en savoir plus, consultez notre fiche Tout savoir sur le paiement du salaire.
Bail commercial. La demande tendant à la reconnaissance du statut des baux commerciaux est soumise à la prescription biennale. Le délai commence à courir à compter de la signature du contrat initial, peu importe que le contrat ait été renouvelé par avenants successifs.
Prêt immobilier. Lorsqu’un couple souscrit un prêt immobilier afin d’acquérir un bien destiné à la location, même si cette activité est accessoire, dès lors que l’un des époux est inscrit au registre du commerce et des sociétés en tant que loueur en meublé professionnel, le prêt est considéré comme étant souscrit par un professionnel. Par conséquent, c’est la prescription quinquennale et non la prescription biennale qui s’applique.
Copropriété. L’action en contestation d’un appel de charges se prescrit par 10 ans.
Transport maritime. Toute action contre le chargeur ou le destinataire d’un transport maritime est prescrite au bout d’un an. Tel est le cas d’une action en paiement de frais d’immobilisation de conteneurs au profit de l’expéditeur par le transporteur.
Transport aérien de personnes. L’action en paiement de l’indemnité forfaitaire, suite l’annulation d’un vol, est prescrite au bout de 5 ans.
Transport aérien de marchandises. L’action en responsabilité engagée contre un transporteur aérien, suite à l’annulation d’un vol, est prescrite au bout de 2 ans. Ce délai commence à courir à compter du jour où l’avion aurait dû arriver.
Construction d’une piscine. Les actions à propos de désordres touchant une piscine sont prescrites au bout de 10 ans. Par conséquent, lorsque l’action est engagée plus de 10 ans après l’achèvement de la piscine, l’action est irrecevable.
Paiement des honoraires. Un architecte a sollicité le paiement de ses honoraires auprès de ses clients… trop tard pour ces derniers qui estimaient que l’action en paiement était prescrite. À tort pour l’architecte : ce dernier a considéré que le délai avait été suspendu puisqu’il avait été dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la force majeure. Concrètement, l’architecte avait été longuement hospitalisé à plusieurs reprises. Action irrecevable pour le juge : les problèmes de santé de l’architecte n’empêchaient pas ce dernier d’agir en justice. Son hospitalisation n’est pas un cas de force majeure et par conséquent, le délai de prescription n’a pas été suspendu.
Facture. Pour déterminer le délai de 2 ans durant lequel l’action en paiement peut être engagée, il faut se référer à la date d’établissement de la facture et non à sa date d’exigibilité. Par conséquent, l’action en paiement de l’architecte est rejetée.
Avocat et mission d’assistance en justice. L’avocat à qui une mission d’assistance en justice est confiée a 2 ans pour réclamer le paiement de ses honoraires. Ce délai débute à compter du jour où cette mission prend fin (et non à celui de l’établissement des factures impayées). Un avocat et son ex-client se sont opposés sur cette notion de « jour où la mission prend fin ». Pour le client, il s’agit de la date du jour où le jugement est rendu (le client a ensuite pris un autre avocat lors de la procédure d’appel). Pour l’avocat, il s’agit du jour où il a été dessaisi du dossier au profit de son confrère. Pour le juge, c’est l’avocat qui a raison.
Révision du loyer. Un particulier, propriétaire d’une maison mise en location, l’a vendu au locataire. 6 mois après la vente, en vertu de la clause d’indexation inscrite dans le contrat de location, il a demandé 12 000 € à son locataire. Ce qu’a refusé ce dernier, estimant que la révision du loyer postérieure à l’acte de vente était impossible. Mais le juge a donné raison au propriétaire. Ce dernier ayant effectué sa demande durant le délai légal (à savoir, la prescription quinquennale), la révision du loyer est tout à fait valable.
Concurrence déloyale. Toute entreprise ou association qui se trouve lésée par un acte de concurrence déloyale peut réclamer une indemnisation dans un délai de 5 ans à compter du jour où elle a eu connaissance des faits litigieux (et non du jour où cesse la pratique déloyale en question).
A retenir
Les délais durant lesquels vous pourrez agir en cas de litige vont varier selon votre activité ou la qualité de votre client (professionnel, consommateur ou non-professionnel). Il existe de nombreux délais de prescriptions : annuel, biennal, quinquennal, etc., qui peuvent être suspendus ou interrompus.
- Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile
- Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (articles 1, 2 et 3)
- Article L 311-37 du Code de la consommation
- Articles 1792-4-1 et suivants du Code civil
- Articles 2219 et suivants du Code civil
- Articles 2234 et suivants du Code civil
- Articles L 110-4, L 123-14, L 124-3
- Articles L 114-1 et suivants du Code des assurances
- Articles L 152-1 et L 161-1 du Code de l’environnement
- Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 1er mars 2017, n° 16-10377 (prêt immobilier, activité accessoire- prescription biennale)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 5 janvier 2017, n° 15-12605 (piscine-prescription décennale)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 13 juillet 2016, n° 15-22004 (longue hospitalisation-pas de suspension du délai de prescription)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 28 juin 2016, n° 14-25493 (transport maritime-prescription annale)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 3 décembre 2015, n° 14-19146 (statut bail commercial-prescription biennale)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 2 mars 2017, n° 16-10600 (révision du loyer postérieurement à la vente du bien immobilier-prescription quinquennale)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 15 juin 2017, n° 16-16906 (paiement facture-date d'établissement)
- Arrêt de la Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 26 octobre 2017, n° 16-23599 (date de fin du mandat-avocat)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 1er février 2018, n° 16-26992 (prescription décennale-contestation d’un appel de charges)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 14 mars 2018, n° 17-15378 (transport aérien-délai pour agir)
- Arrêt de la Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 4 octobre 2018, n° 17-20508 (action en fixation des honoraires d’avocat-pas la date d’établissement des factures)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 26 février 2020, n° 18-19153((point de départ du délai de prescription de 5 ans – concurrence déloyale)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 26 février 2020, n° 18-25036 (point de départ du délai de prescription de 5 ans - pas à la date d’établissement des factures)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 1er mars 2023, n° 21-23176 (l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations constitue le point de départ du délai de prescription de l’action du professionnel envers son client – pas la date d’établissement de la facture)