Rédiger une réclamation contre un impôt ou une taxe
Réclamation fiscale : un préalable nécessaire
Une étape obligatoire. Si vous entendez contester une imposition ou une taxe mise à la charge de votre entreprise (mais ce sera aussi le cas pour vous à titre personnel), vous ne pouvez pas saisir directement le juge de l’impôt : vous devrez, au préalable, porter votre réclamation devant l'administration fiscale. Il s’agit là d’une particularité en matière fiscale qui, si vous ne la respectez pas, c’est-à-dire si vous saisissez directement le juge de l’impôt, rendra irrecevable votre demande : en clair, le juge de l’impôt n’y donnera pas suite, quand bien même votre contestation serait fondée.
Par la suite... Ce n'est que dans l'hypothèse où l'administration fiscale ne ferait pas droit à votre demande que vous pouvez poursuivre le contentieux devant le juge de l'impôt (en saisissant les tribunaux administratifs ou judiciaires en fonction de la nature de la taxe ou de l'impôt contesté).
À qui devez-vous vous adresser ? Vous devez vous adresser au service de l’administration fiscale du lieu de l’imposition : pour les réclamations relatives aux impôts et taxes dus par l’entreprise, vous vous adresserez à votre service des impôts des entreprises, dont les coordonnées figurent, généralement, sur les avis d’impositions qui vous sont envoyés. Il peut exister quelques particularités, et notamment en matière de droits d’enregistrement : si vous portez une réclamation ayant pour objet de contester la valeur vénale d’un immeuble, d’un fonds de commerce, d’une clientèle, etc., vous devrez vous adresser au service des impôts du lieu de situation du bien en question. Pour les impôts dus en cas de dons, de cession de titres non constatées par un acte ou de succession, les réclamations doivent être adressées au service national de l’enregistrement (SNE), dès lors que la déclaration initiale a été déposée auprès de ce service.
En cas d’erreur de destinataire… L’administration ne pourra pas rejeter votre réclamation au seul motif qu’elle a été envoyée au mauvais service. Dans ce cas, ce service, qui sera donc incompétent pour instruire votre demande, a pour instruction de transmettre votre réclamation au service compétent, et de vous en aviser.
Réclamation fiscale : comment ?
Un écrit... Même si une réclamation peut être faite oralement, il est fortement conseillé de procéder par écrit et d’envoyer votre courrier par recommandé avec accusé réception (pour lui conférer date certaine). Une simple lettre suffit et elle ne sera soumise à aucun droit de timbre.
… Voire un mail… Récemment, le juge a admis pour une entreprise la régularité d’une réclamation faite par mail. À ce sujet, notez qu’il est admis, pour les particuliers, de procéder à des réclamations fiscales en ligne notamment pour l’impôt sur le revenu, l’impôt sur la fortune immobilière, les impôts locaux et les droits d’enregistrement.
... suffisamment motivé. Pour que votre courrier soit assimilé à une réclamation, il doit contenir un certain nombre de mentions : ainsi, non seulement vous aurez soin de préciser la nature et le montant de l'impôt que vous contestez, mais vous aurez aussi soin de motiver votre contestation, en retenant tous les arguments de fait et de droit que vous pourrez opposer à l'administration fiscale. Une réclamation suppose nécessairement une contestation : une lettre sollicitant un délai de paiement ne vaut pas contestation de l’impôt concerné. Et retenez qu’une contestation non motivée ne permettra pas à l’administration de se prononcer sur votre demande.
Le saviez-vous ?
Vous pourrez réclamer la réparation d’une erreur comptable, mais vous ne pourrez pas demander la correction d’une décision de gestion qui résulte d’un choix délibéré de votre part, quand bien même elle se traduirait par une erreur comptable (qui est alors ici qualifiée de « délibérée »).
Attention au contenu. Faites en sorte que le courrier envoyé à l’administration s’analyse effectivement comme une « réclamation fiscale », quitte à insister sur cet intitulé.
Pour la petite histoire… Le juge de l’impôt a eu à se prononcer sur le contenu d’un courrier de réclamation, intitulé « recours gracieux ». Il a conclu que quand bien même la personne aurait utilisé cet intitulé, il n’en demeure pas moins qu’il s’agissait d’une « réclamation préalable », les motifs de droit qui permettaient de contester le bien-fondé de la taxation étant suffisamment développés. Il s’agit là d’un exemple qui s’est finalement bien terminé pour la personne qui a déposé sa réclamation, mais il a tout de même fallu en appeler au juge de l’impôt pour faire plier l’administration fiscale.
Pour la petite histoire bis… Un couple fait construire une maison dont la surface excède ce qui était prévu par le permis de construire. Dans ces circonstances, le directeur départemental des territoires adresse un courrier aux époux, les informant que du fait de ce dépassement de la surface autorisée, ils allaient devoir s’acquitter d’un supplément de taxe locale d’équipement, de taxe d’urbanisme, etc. A ce titre, le directeur leur communique, à titre d’information, un avis d’imposition précisant que le paiement du supplément de taxe n’interviendrait qu’à compter de la réception de l’avis d’imposition définitif. A son tour, le couple adresse 2 courriers au directeur départemental, pour contester le supplément d’imposition en question. Contestation sans effet, puisque le directeur maintient sa position. Le couple conteste à nouveau, à 2 reprises, sans succès.
Une contestation… Quelques semaines plus tard, les époux reçoivent l’avis d’imposition définitif (dont le contenu est identique à l’avis d’imposition informatif) accompagné d’un avis de paiement, leur réclamant le supplément de taxation. Estimant toujours ne rien devoir payer, le couple saisit le juge pour lui demander d’annuler le redressement fiscal. A tort, selon l’administration, qui estime qu’ici, la procédure de contestation n’a pas été respectée puisque les époux sont directement allés voir le juge à réception de l’avis d’imposition définitif. En l’absence de réclamation préalable, la contestation portée devant le juge n’a pas lieu d’être…
… suffisante ? Sauf que l’administration semble avoir oublié les 4 courriers de contestation adressés à réception de l’avis d’imposition informatif, rappelle le juge : l’avis d’imposition définitif étant identique à l’avis d’imposition informatif, ces 4 courriers ont bien valeur de réclamation préalable.
Utilisez tous les textes à votre disposition ! Pour vous aider dans votre démarche, vous disposez de différentes sources : les textes législatifs et règlementaires (le Code Général des Impôts, le Livre des Procédures Fiscales), les décisions de jurisprudence (rendues par les juridictions administratives et judiciaires), les réponses ministérielles apportées aux questions écrites ou orales devant les assemblées parlementaires, etc. Pensez aussi à consulter la documentation administrative (le bulletin officiel des finances publiques), d’autant que les vérificateurs ont tendance à privilégier cette doctrine pour motiver leurs propositions de rectifications fiscales. Cette documentation juridique n’est toutefois pas toujours adaptée et d’un usage aisé, d’où l’intérêt que vous pouvez avoir à solliciter l’aide d’un conseil spécialisé en contentieux fiscal.
Le saviez-vous ?
Joignez impérativement à votre réclamation une copie de l'avis d'imposition ou de l'avis de mise en recouvrement dont vous contestez le principe ou le montant, ainsi que toutes les pièces ou tous les documents que vous jugerez utiles à l'appui de votre réclamation.
Par qui doit être faite cette réclamation ? D’une manière générale, une réclamation doit être individuelle. Il est toutefois admis que les associés d’une société de personne, dont les résultats sont imposés entre leurs mains personnellement, puissent formuler une réclamation collective pour contester les impôts mis à la charge de la société. Compte tenu de la complexité de la règlementation fiscale, il n’est pas inutile de confier la rédaction de la réclamation à votre conseil habituel qui saura se prévaloir des arguments juridiques nécessaires pour faire valoir vos droits et ceux de l’entreprise.
Qui rédige le courrier ? La personne qui signe le courrier doit avoir « qualité » pour agir au nom de l’entreprise. D’une manière générale, les dirigeants de l’entreprise ont qualité pour agir au nom de l’entreprise, et donc signer la réclamation, sans avoir à justifier d’un mandat pour agir (sont visés l’entrepreneur individuel, les gérants de SARL, les PDG et DG de SA, les présidents de SAS, les associés de SNC…). Les avocats sont également autorisés à agir au nom de l’entreprise sans avoir à justifier d’un mandat. Toute autre personne, et notamment un collaborateur de l’entreprise, devra justifier d’un tel mandat si elle signe la réclamation (mandat qu’il faudra joindre au courrier).
Une signature obligatoire ! La réclamation doit être impérativement signée de son auteur : si tel n’est pas le cas, l’administration doit vous inviter à régulariser cette réclamation dans les 30 jours. Si vous ne vous exécutez pas dans ce délai, la réclamation sera déclarée irrecevable.
Réclamation fiscale : combien ?
Précisez le montant réclamé. Il est important de préciser, comme nous l'avons déjà signalé, le montant de l'imposition que vous entendez contester : l'appréciation du montant contesté est d'autant plus importante que si vous deviez, le cas échéant, poursuivre la contestation devant le juge de l'impôt (en cas de rejet de vos arguments par l’administration), vous ne pourrez le faire qu'à hauteur du montant mentionné dans votre réclamation préalable. Il s'agit donc de ne pas se tromper.
Pour la petite histoire… Le juge de l’impôt a eu à se prononcer sur le contenu d’un courrier de réclamation. Une association, exonérée d’impôt sur les sociétés, n’a formé réclamation que pour les sommes qu’elle a spontanément acquittées. Elle a omis de demander le remboursement du supplément d’IS résultant d’un contrôle fiscal. Dès lors, le juge a considéré que l’administration n’était tenue au remboursement que des sommes mentionnées dans le courrier de réclamation. Puisqu’elle a omis de réclamer le surplus, l’association ne pourra pas en obtenir remboursement !
Faut-il payer tout de suite ? La question qui peut se poser est de savoir si, malgré la réclamation, vous devez payer l'imposition que vous contestez. Imaginons que vous perdez : vous aurez payé ce que vous devez. Imaginons cette fois-ci que vous gagnez : l’Etat vous remboursera le montant versé, accompagné d’intérêts moratoires.
Non ! Mais vous pouvez 'surseoir au paiement', à condition de le préciser dans le corps de votre réclamation, par une mention du type 'la société... sollicite le bénéfice de l'article L 277 du Livre des Procédures Fiscales à hauteur du montant réclamé, soit ... € en principale et ... € au titre des pénalités'. Dans ce cas, vous ne vous acquittez pas immédiatement du montant de l'imposition qui vous est réclamé.
Attention. Il est important de noter qu’un sursis de paiement a pour effet principal de suspendre le délai dont dispose l’administration pour recouvrer les sommes qui lui sont dues.
Codébiteur ? Les effets de la demande de sursis de paiement s’étendent non seulement à la personne qui a formulé cette demande, mais aussi à ses codébiteurs solidaires.
Exemple. C’est précisément ce qu’a appris un dirigeant à ses dépens. Sa société a fait l’objet d’un contrôle qui a débouché sur un redressement fiscal en matière de TVA. En désaccord avec le montant des sommes réclamées, elle a adressé à l’administration une réclamation assortie d’une demande de sursis de paiement. L’administration, puis le juge, ont refusé le bénéfice d’un tel sursis. Quelques temps plus tard, le gérant particulier de la société a été poursuivi personnellement par l’administration (en tant que codébiteur solidaire) qui lui réclame le paiement du supplément de TVA. Le dirigeant a contesté, considérant que si la société a fait une demande de sursis de paiement, qui vient suspendre le délai dont dispose l’administration pour recouvrer les sommes qui lui sont dues, lui, gérant particulier, n’a jamais fait une telle demande.
Solidarité pour le paiement, solidarité pour le sursis. Peu importe a estimé le juge : il a rappelé au gérant que lorsqu’une réclamation assortie d’une demande de sursis est adressée à l’administration, l’effet de ce sursis s’étend non seulement à la société à l’origine de la demande, mais aussi à ses codébiteurs solidaires.
Le saviez-vous ?
Si vous sollicitez le bénéfice du sursis de paiement, l'administration vous demandera de constituer des garanties, afin de s'assurer du recouvrement de l'impôt dans l'hypothèse d'un rejet de votre réclamation: versement sur un compte d’attente du Trésor, créances sur le Trésor, présentation d’une caution, affectations hypothécaires, nantissement de fonds de commerce, etc.
Toutefois, aucune garantie n'est susceptible d'être réclamée à l'entreprise si le montant de la réclamation n'excède pas 4 500 € (montant de l'impôt ou de la taxe, hors pénalités éventuelles).
À noter. L’administration dispose d’un délai de 45 jours pour vous notifier un éventuel refus vis-à-vis des garanties que vous lui proposez dans le cadre de votre réclamation (le refus des garanties peut être contesté devant le juge du référé fiscal, mais cela suppose de consigner une somme égale au 1/10ème du montant des impôts contestés). Passé ce délai, elle est réputée les accepter.
Un sursis : jusqu'à quand ? L'effet suspensif du sursis perdure jusqu'à la décision définitive, celle du juge de l'impôt ou, si vous ne l'avez pas saisi, jusqu'à l'expiration du délai qui vous est imparti pour le saisir.
L’issue du litige : vous gagnez. S’il est fait droit à votre réclamation, pas de problème : vous n’avez rien à payer et si l’administration a exigé des garanties dans le cadre du sursis de paiement, elle vous remboursera les éventuels frais que vous avez dû payer (à condition d’en faire la demande !). Vous aurez droit d’office, en outre, à des intérêts moratoires payés en même temps que les frais remboursés.
L’issue du litige : vous perdez. À l’inverse si vous perdez, vous devrez non seulement payer les impôts ou taxes initialement contesté(e)s, mais vous aurez également à verser des majorations pour retard de paiement et, éventuellement, des intérêts de retard (au taux de 0,20 %) ou des intérêts moratoires (également au taux de 0,20 %, applicable en matière d’impôt sur le revenu et d’impôts directs locaux). Mesurez l’intérêt d’une demande de sursis au regard de vos chances de succès…
A retenir
Vous devez obligatoirement, et au préalable, porter votre réclamation devant les services des impôts : ce n’est qu’en cas de rejet de votre demande que vous pourrez saisir le juge de l’impôt.
Motivez votre position en faisant valoir tous les arguments utiles, joignez à votre demande l’avis d’imposition contesté, ainsi que toutes les pièces justificatives à l’appui de votre contestation.
J'ai entendu dire
J'ai entendu dire que l'administration devait impérativement répondre dans les 6 mois. Qu'en est-il exactement ?En réalité, l'administration n'est pas tenue de répondre dans un certain délai. Néanmoins, il est vrai que si elle ne répond pas dans les 6 mois, vous serez alors autorisé à saisir le juge de l'impôt, sans attendre sa réponse. Il est impératif, dans cette hypothèse, que vous soyez en mesure de justifier de l'expiration de ce délai de 6 mois (conservez précieusement l'accusé réception de votre réclamation).
Sachez, à cet égard, que si la réclamation a été adressée à un service autre que celui qui est compétent pour instruire votre demande, le délai de 6 mois court à compter de la réception de la demande par le 1er service.
- Articles L 190 et suivants du Livre des Procédures Fiscales
- Article L 277 du Livre des Procédures Fiscales
- Articles R 190-1 et suivants du Livre des Procédures Fiscales
- Articles R 277-1 et suivants du Livre des Procédures Fiscales
- BOFiP-Impôts-BOI-CTX-PREA-10-10, 10-50 et 10-60
- Décret n° 2009-985 du 20 août 2009 relatif aux conditions d'octroi du sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du Livre des Procédures Fiscales et modifiant le décret n° 2007-568 du 17 avril 2007 relatif aux modalités de mise en œuvre de la publicité du privilège du Trésor pour les créances mentionnées à l'article 1929 quater du Code Général des Impôts et aux articles 379 et 379 bis du Code des Douanes
- Décret n° 2009-986 du 20 août 2009 relatif aux conditions d'octroi du sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du Livre des Procédures Fiscales
- Décision du Conseil Constitutionnel du 6 juin 2014, n° 2014-400 QPC (constitutionnalité imputation frais de garanties sur les intérêts de retard ou moratoires)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 5 juin 2015, n° 386793 (contestation devant le juge des référés et consignation)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 9 mars 2016, n° 380808 (erreur comptable délibérée)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 29 mai 2017, n°396577 (recours gracieux et réclamation préalable)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 21 juin 2017, n°392692 (omission d’une demande de remboursement dans la réclamation préalable)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 4 décembre 2017, n°394903 (solidarité codébiteurs et effets de la demande de sursis de paiement)
- Loi de Finances rectificative pour 2017 du 28 décembre 2017, n°2017-1775 (article 55)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 4 avril 2018, n°402070 (intérêts moratoires, dégrèvement et forme de la réclamation)
- Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux du 15 janvier 2018, n°17BX03652 (réclamation préalable impérative avant de saisir un tribunal)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 27 juin 2018, n°408649 (contestation d’un avis d’imposition informatif = réclamation préalable)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Toulouse du 9 février 2023, n° 20TL03803 (régularité d’une réclamation par mail)
- Décret n° 2023-1325 du 29 décembre 2023 relatif aux modalités de déclaration en matière d'enregistrement et à leurs conséquences sur la compétence du service national de l'enregistrement en matière de réclamation