TVA : que faire en présence d’une facture impayée ?
Vous avez déjà reversé la TVA… ?
Quand devez-vous reverser la TVA ? Si, comme la plupart des entreprises, vous déclarez et payez votre TVA mensuellement (trimestriellement si le montant de votre TVA annuelle est inférieur à 4 000 €), vous devez, en principe, reverser à l’administration la TVA que vous collectez auprès de vos clients :
- au moment de la livraison des biens ou des marchandises ; pour les acomptes encaissés depuis le 1er janvier 2023, la TVA est exigible lors de l’encaissement des acomptes, à concurrence du montant encaissé ;
- au moment de l’encaissement du prix si vous effectuez une prestation de services.
Le problème… Vous l’aurez compris : en présence d’une vente de biens ou de marchandises, vous êtes tenu de décaisser la TVA que vous collectez auprès de vos clients, indépendamment du paiement effectif par votre client de votre facture. Par voie de conséquence, vous subissez un décalage de trésorerie, conséquence d’autant plus dommageable si votre client finit par ne pas payer votre facture.
… qui n’est pas nécessairement isolé. Cette problématique ne concerne pas que les livraisons de biens, mais aussi certaines situations propres aux prestations de services. 2 exemples :
- en cas de paiement par chèque, il arrive très fréquemment que les entreprises reversent la TVA au moment de la réception du chèque, indépendamment de son encaissement effectif : si le chèque s’avère par la suite sans provision, vous subissez la même difficulté, à savoir que vous avez fait l’avance de la TVA… que vous n’avez pas encaissée ;
- si vous avez opté pour le paiement de la TVA sur les débits, le reversement de la TVA n’intervient plus au moment de l’encaissement du prix, mais au moment de l’inscription de la créance au débit du compte client correspondant : si votre client ne paie pas votre facture, vous vous retrouvez, ici aussi, dans la même situation qu’un vendeur de biens ou de marchandises impayé…
Pourrez-vous la « récupérer » ?
Oui ! Autant le dire tout de suite : dans une telle situation, vous êtes autorisé à récupérer la TVA que vous avez reversée au Trésor Public, mais cette récupération n’est pas sans conditions.
Si… 2 conditions doivent être respectées :
- le texte impose, d’une part, que vous fassiez état d’une créance devenue « définitivement irrécouvrable » ;
- il impose, en outre, que vous justifiiez, auprès de l’administration, de la rectification préalable de la facture initiale.
Concrètement. Cela suppose donc, de votre part, que vous agissiez de la manière suivante :
- vous ne pouvez pas vous contenter d’un simple défaut de paiement : il est impératif que la créance soit irrécouvrable, ce qui vous oblige à justifier de lettres de relance, de mises en demeure restées sans réponse, etc. (conservez précieusement les accusés réception de vos courriers), et à inscrire, en comptabilité, ladite créance en perte définitive ; sachez, à cet égard, que la simple constitution d’une provision pour créance douteuse ou litigieuse n’est pas suffisante pour établir cette irrécouvrabilité ;
- vous devez envoyer à votre client défaillant un duplicata de la facture initiale avec ses indications réglementaires (prix « net » et montant de la TVA correspondante), sur laquelle vous aurez soin de porter en caractères très apparents la mention suivante : « Facture demeurée impayée pour la somme de … €, dont … € de TVA qui ne pourra pas faire l’objet d’une déduction (article 272 du CGI) ».
Une tolérance. En cas d’omissions ou d’erreurs sur la facture rectificative (ou la note d’avoir), vous pourrez tout de même récupérer la TVA d’ores et déjà reversée au Trésor public, dès lors que vous êtes en mesure de produire des pièces suffisantes pour permettre d’établir le bien-fondé de votre demande.
À noter. En présence de plusieurs impayés de la part d’un même client, dans un souci de simplification, vous serez dispensés d'adresser ce duplicata pour chaque facture impayée, à condition de délivrer au client défaillant un état récapitulatif des factures impayées qui mentionne pour chacune d'entre elles :
- le numéro d'ordre, le libellé et la date de la facture initiale ;
- le montant hors taxe (HT) ;
- le montant de la TVA ;
- la mention « Facture impayée pour la somme de ...... euros (HT) et pour la somme de ...... euros (taxe correspondante) qui ne peut faire l'objet d'une déduction (art. 272 du CGI) ».
Le saviez-vous ?
Si votre client connaît des difficultés telles qu’il est engagé dans une procédure collective, sachez que la récupération de la TVA pourra se faire dès la date de la décision qui prononce la liquidation judiciaire de l’entreprise concernée ou, en cas de redressement judiciaire, à la date du jugement qui fixe le plan de redressement.
Si votre client disparaît sans laisser d’adresse, vous êtes dispensé de toute formalité de rectification de la facture initiale.
Si vous remplissez les conditions… Le montant de la TVA que vous êtes, dès lors, autorisé à récupérer doit être mentionné sur la ligne 21 de votre déclaration de TVA. Si, du fait de cette récupération, vous devez titulaire d’un crédit de TVA, vous pouvez en demander le remboursement.
Attention. Sachez, en tout état de cause, que vous devez faire cette imputation au plus tard le 31 décembre de la 2nde année qui suit celle au cours de laquelle vous avez eu connaissance de la défaillance de votre client.
A retenir
Vous pourrez récupérer la TVA que vous avez d’ores et déjà versée en cas de défaillance de votre client : vous devez toutefois prouver que votre client ne pourra définitivement pas payer votre facture (conservez vos lettres de relance, vos mises en demeure, les accusés réception de vos courriers…), facture que vous devrez « rectifier ».
J'ai entendu dire
J’ai un client qui est parti sans laisser d’adresse : comment puis-je faire pour justifier la récupération de la TVA dans un pareil cas ?L’administration reconnaît, dans ce cas, que la créance est effectivement irrécouvrable (assurez-vous tout de même d’être en mesure de prouver que votre client a effectivement « disparu », au moyen de courriers recommandés restés sans réponses par exemple). Dans ce cas, sachez également que, dans cette situation particulière, vous êtes, par principe, et pour cause, dispensé de justifier de l’envoi de la facture initiale rectifiée.
- Article 272 du Code général des impôts
- BOFiP-Impôts-BOI-TVA-DECLA-30-20-20-20
- BOFiP-Impôts-BOI-TVA-DED-40-10-20
- Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 3 mars 2021, n°C-507/20 (point de départ du délai pour demander à récupérer la TVA correspondant à une créance impayée)
- Arrêt du Conseil d’État du 12 juillet 2021, n°433977 (erreurs ou omissions sur la facture rectificative et droit à récupération de la TVA)
- Loi de finances pour 2022 du 30 décembre 2021, n°2021-1900 (article 30)
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux, du 24 mai 2022, n° 20BX00148 (facture impayée et reversement de TVA)