Contrôle fiscal de l’entreprise : combien de temps va-t-il durer ?
Principe : la vérification de comptabilité n’est pas limitée dans le temps
Pas de limitation… Par principe, une vérification de comptabilité n’est pas limitée dans le temps, de sorte que le vérificateur peut, en théorie, poursuivre ses investigations le temps qu’il estime nécessaire.
Mais, en pratique… Compte tenu des délais impartis à l’administration pour procéder à des rectifications fiscales, le vérificateur aura l’obligation d’achever et de notifier d’éventuels redressements avant leur expiration. C’est ainsi, par exemple, qu’en matière d’impôt sur les sociétés, le droit de rectifier le montant dû par l’entreprise expire le 31 décembre de la 3ème année qui suit celle au titre de laquelle l’impôt est dû. Passé ce délai, il ne pourra plus opérer de rectifications : il a donc tout intérêt, dans le cadre de sa mission, à clôturer son contrôle à temps.
Exception : une durée limitée à 3 mois pour certaines entreprises…
Une exception qui peut vous concerner. La Loi a spécifiquement prévu un cas pour lequel la durée de la vérification sur place des entreprises commerciales, industrielles, artisanales, agricoles ou qui exercent une activité libérale ne pourra pas excéder 3 mois : si ce délai n’est pas respecté par le vérificateur, les impositions complémentaires éventuellement mises à la charge de l’entreprise sont nulles.
Qui est concerné ? Sont concernées par cette garantie les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes est inférieur à (seuils applicables depuis 2023) :
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840000 € pour les entreprises industrielles ou commerciales dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures ou denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement ;
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254000 € pour les entreprises prestataires de services et les entreprises exerçant une activité non commerciale ;
- 391 000 € pour les entreprises agricoles.
Attention. La durée de la vérification peut excéder trois mois si le chiffre d’affaires d’un seul des exercices vérifiés dépasse la limite prévue.
Le saviez-vous ?
Si vous cumulez l’activité de vente de marchandise et celle de prestataire de services, vous bénéficierez de la garantie si votre chiffre d’affaires global n’excède pas 840000 € et si le chiffre d’affaires propre à l’activité de prestation de services ne dépasse pas 254000 €.
Pour toutes les entreprises ? Non ! Cette garantie ne s’applique pas aux sociétés qui exercent une activité civile de location de locaux nus, sauf si cette activité civile présente un caractère purement accessoire par rapport aux autres activités de l’entreprise. Elle ne s’applique pas non plus aux sociétés qui exercent une activité civile de gestion de portefeuille de titres (une société exerçant une activité à la fois financière et industrielle ou commerciale pouvant toutefois bénéficier de la garantie si, toutes les autres conditions étant remplies, la valeur des titres inscrits à son actif n’excède pas 7 600 000 €).
Exceptions à l’exception
Comme toujours… Rien n’est jamais simple en matière fiscale. La Loi prévoit des hypothèses dans lesquelles vous ne pourrez pas vous prévaloir de cette limitation de la durée de la vérification de comptabilité, même si vous respectez les conditions de chiffre d’affaires.
Pas de garantie, si… Tout d’abord, il est expressément prévu que l’expiration du délai de 3 mois ne pourra pas empêcher le vérificateur d’instruire vos éventuelles observations émises à la suite de la proposition de rectifications.
Pas de garantie, si… Ensuite, la Loi écarte le bénéfice de cette garantie lorsque le vérificateur apporte la preuve que la comptabilité comporte de graves irrégularités privant votre comptabilité de valeur probante. Dans ce cas, toutefois, la vérification ne doit pas durer plus de 6 mois.
Conseil. Il ne faudrait pas que, sous couvert d’un problème de respect du délai de 3 mois, le vérificateur relève de graves irrégularités pour obtenir un délai supplémentaire. Vérifiez la gravité de l’irrégularité retenue pour apprécier si elle est de nature à véritablement priver de valeur probante votre comptabilité. Une simple erreur ne constitue pas une « grave irrégularité ».
Pas de garantie, si… L’expiration du délai de 3 mois ne pourra pas empêcher le vérificateur d’examiner des comptes mixtes (comptes bancaires utilisés à la fois à des fins professionnelles et privées) dans le cadre d’un contrôle fiscal privé. De la même manière, il pourra, dans le cadre d’une autre vérification de comptabilité, examiner des comptes financiers qui seraient utilisés pour l’exercice d’activités distinctes.
Pas de garantie, si… La garantie ne s’applique pas non plus dans les hypothèses suivantes :
- pour les sociétés holdings détenant des titres de placement ou des titres de participation d’un montant au moins égal à 7 600 000 € ;
- en cas de procédure de flagrance fiscale ;
- en cas d’exercice d’une activité occulte ;
- en cas d’ouverture d’une enquête judiciaire pour fraude fiscale.
Durée de contrôle fiscal limitée à 3 mois : comment apprécier ce délai ?
Comment apprécier ce délai de 3 mois ? Le point de départ du délai correspond au jour de la 1ère intervention sur place et s’achève 3 mois plus tard. Une vérification de comptabilité est achevée le jour de la dernière intervention sur place précédant l’envoi de la proposition de rectifications fiscales (ou de l’avis d’absence de rehaussements). Ce délai de 3 mois se décompte de quantième en quantième et le point d'arrivée se situe la veille du jour portant le même quantième que le jour de la première intervention (lorsqu’il n’y a pas de quantième identique, le délai expire alors au dernier jour du mois).
Exemples. Une vérification qui débute le 16 octobre s’achèvera 3 mois plus tard le 15 janvier suivant (date de la dernière intervention possible). Lorsqu'il n'existe pas de quantième identique, le délai expire alors au dernier jour du mois : une vérification qui débute le 31 août s’achèvera 3 mois plus tard le 29 novembre suivant (date de la dernière intervention possible).
Attention. Il faut effectivement prendre en compte la date à laquelle le vérificateur intervient pour la dernière fois dans l’entreprise pour contrôler les comptes. Ce n’est donc pas, le cas échéant, la dernière visite du vérificateur au cours de laquelle il ne fait que remettre la notification de redressements par exemple.
Mais… Il faut savoir qu’une demande de documents comptables formulée par le vérificateur après sa dernière visite sur place mais avant l'envoi de la notification de redressement se rattache aux opérations de vérification de la comptabilité : si cette demande vous est adressée plus de 3 mois après le début des opérations de contrôle, ce dernier sera irrégulier. Il en sera de même si le vérificateur effectue des démarches auprès d’un tiers pour réaliser des recoupements avec la comptabilité de l’entreprise, dont il se sert pour notifier des redressements, après l’expiration du délai de 3 mois : dans une telle situation, le contrôle sera irrégulier.
Le saviez-vous ?
Si la vérification de comptabilité fait l’objet d’un report, de sorte que le début du contrôle est décalé à une date ultérieure à celle qui figure sur l’avis de vérification, le délai de 3 mois aura pour point de départ le début effectif des opérations de contrôle (à la date de la 1ère intervention sur place du vérificateur).
Une petite anecdote… Dans les derniers jours de la période de 3 mois, un chef d’entreprise sollicite un entretien avec le vérificateur pour produire de nouveaux éléments et documents comptables. Il autorise le vérificateur à emporter ces documents pour qu’il puisse en prendre connaissance. Il s’avère que le vérificateur a restitué ces documents après l’expiration du délai de 3 mois. Le chef d’entreprise soulève le problème, estimant que le vérificateur l’a privé d’une garantie à laquelle il avait droit. Le juge de l’impôt ne l’a pas entendu de cette oreille : il estime que l’entreprise n’a pas, ici, été privée de cette garantie, alors même que, pour procéder à l'examen des documents, l'administration prolongerait d'une durée raisonnable la vérification au-delà des 3 mois requis. Bien tenté…
Attention. Sachez que si le montant de chiffre d’affaires déclaré s’avère inférieur aux limites prévues en raison d’omissions, d’inexactitudes ou d’insuffisances, la garantie ne s’appliquera pas.
Le saviez-vous ?
De plus en plus de comptabilités sont tenues au moyen de système informatisées. Lorsque le vérificateur envisage le contrôle d’une comptabilité informatisée, vous devez remettre au vérificateur une copie des fichiers des écritures comptables sous forme dématérialisée (clé USB, disque dur externe, etc.). Dans ce cas, il est expressément prévu que :
- le délai de 3 mois est suspendu jusqu'à la remise de la copie des fichiers des écritures comptables à l'administration ;
- les délais liés à la préparation des traitements informatiques ne sont pas retenus dans le décompte de ce délai de 3 mois.
En présence d’une comptabilité dénuée de valeur probante, le délai de 6 mois devra être prorogé de la durée comprise entre la date du choix de l’entreprise pour l’une des 3 modalités de communication des traitements informatisés, et la date de remise effective ou de mise à disposition des documents, traitement ou données. En clair, les délais liés à la préparation des traitements informatiques ne sont pas comptés dans le délai de 6 mois
Limitation de la durée du contrôle fiscal : une expérimentation ?
Dans certaines régions. Une expérimentation, mise en place par la loi ESSOC, a été menée pour les contrôles engagés du 1er décembre 2018 au 30 novembre 2022 dans la région des Hauts de France et dans la région Auvergne Rhône Alpes.
Des critères. Il était prévu que les opérations de contrôle (fiscal ou social) des entreprises de moins de 250 salariés et dont le chiffre d'affaires annuel n'excédait pas 50 millions d'euros ne pouvaient pas excéder une durée cumulée de 9 mois sur une période de 3 ans.
Une durée par établissement. La durée cumulée des contrôles (simultanés ou successifs) se calculait par établissement, et non par entreprise. En conséquence, une entreprise qui disposait de plusieurs établissements devait suivre le décompte de la durée de 270 jours pour chacun de ses établissements pris distinctement.
Un décompte ? La durée de chacun des contrôles entrant dans cette expérimentation était décomptée à partir de la date de commencement du contrôle (figurant sur l’avis de contrôle) et jusqu’à la notification de son achèvement. A défaut de recevoir un avis de contrôle, le délai était décompté à partir de la date de la 1ère visite sur place ou de la date de réception d’une demande de renseignements (ou de documents). Pareillement, à défaut de notification de l’achèvement des opérations de contrôle, le délai prenait fin le jour où l’entreprise recevait les conclusions définitives du contrôleur.
Attention. La durée des contrôles était exprimée en jours entiers : les contrôles d’une durée inférieure à 1 jour étaient tout de même comptabilisés pour 1 jour entier.
Une alerte ? Lorsque la durée cumulée des contrôles (9 mois) était sur le point d’être atteinte, l’entreprise pouvait en informer l’administration qui souhaitait engager un nouveau contrôle. Dans ce cas, l’administration devait renoncer à toute velléité de contrôle jusqu’à l’expiration du délai de 3 ans.
Une preuve. A l’appui de son affirmation, l’entreprise devait fournir à l’administration les copies des attestations mentionnant le champ et la durée des contrôles déjà opérés sur l’établissement concerné au titre des 3 dernières années, afin que cette dernière puisse vérifier que les 270 jours ont été atteints.
Une information. L'administration devait informer l'entreprise concernée, à titre indicatif, de la durée de ce contrôle et (avant le terme annoncé), le cas échéant, de sa prolongation.
Attention. Cette limitation de la durée du contrôle n’était pas opposable s'il existait des indices précis et concordants témoignant du fait que l’entreprise a manqué à une obligation légale ou réglementaire.
Un échange d’informations. Enfin, en cas de contrôles réalisés par différentes administrations, elles devaient s'échanger les informations utiles à la computation de la durée cumulée des contrôles.
Une pérennisation ? L’expérimentation accordée à l’URSSAF limitant ses contrôles à une durée de 3 mois pour les entreprises de moins de 20 salariés mise en place par la loi ESSOC a été pérennisée. L’expérimentation en matière fiscale va-t-elle vivre le même avenir ?
A retenir
Par principe, une vérification n’est pas limitée dans le temps. Toutefois, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes n’excède pas 840000 € (entreprises de vente de marchandises), 254000 € (prestataires de services) ou 391 000 € (entreprises agricoles), le vérificateur ne pourra pas rester plus de 3 mois dans l’entreprise.
Notez avec précision les dates de début et de fin des opérations de contrôle pour valider le respect de cette règle par le vérificateur.
J'ai entendu dire
La vérification de comptabilité de notre entreprise devait débuter le 25 avril, mais nous avons demandé à ce qu’elle soit reportée, en raison d’une période de vacances où nous étions en sous-effectif. Quelle date devons-nous prendre en compte pour calculer le délai de 3 mois ?Si vous avez demandé à modifier la date de la 1ère intervention du vérificateur, le délai de 3 mois devra être reporté d’autant : il ne débutera donc qu’à partir de la nouvelle date retenue en accord avec le vérificateur pour le début des opérations de contrôle. En pratique, les vérificateurs vous envoient un courrier pour confirmer la nouvelle date retenue.
- Articles L 52 et L 52 A du Livre des procédures fiscales
- BOFiP-Impôts-BOI-CF-PGR-20-30
- Arrêt du Conseil d’État du 6 avril 2001, n° 205365 (demande de documents après la dernière intervention, mais avant la notification de redressements)
- Arrêt du Conseil d’État du 2 juin 2010, n° 300847 (la date d’achèvement n’est pas la date de remise de la notification de redressements)
- Arrêt du Conseil d’État du 7 avril 2010, n° 325292 (appréciation du délai de 3 mois en cas de report du début du contrôle)
- Arrêt du Conseil d’État du 11 février 2011, n° 318284 (inopposabilité du délai de 3 mois en vue de l’examen des documents comptables remis à la dernière minute)
- Arrêt du Conseil d’État du 12 mars 2014, n° 358373 (activité civile accessoire)
- Arrêt du Conseil d’État du 20 octobre 2016, n° 388067 (durée de contrôle limitée à 3 mois et activité civile)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy du 16 novembre 2016, n° 15NC01155 (investigations auprès d’un tiers après l’expiration du délai de 3 mois)
- BOFiP-impôts-BOI-CF-IOR-60-40-30
- Article L 47 A du Livre des procédures fiscales
- Loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (dite Loi Essoc), article 32 (expérimentation sur la limitation de la durée du contrôle dans les PME communautaires)
- Décret n°2018-1019 du 21 novembre 2018 relatif à l’expérimentation d’une limitation de la durée cumulée des contrôles effectués par les administrations sur certaines entreprises
- Circulaire du 19 février 2019 relative à l’expérimentation d’une limitation de la durée cumulée des contrôles effectués par les administrations sur les petites et moyennes entreprises dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France, n° CPAM1831428C
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 23 janvier 2020, n°18VE01798 (limitation de la durée du contrôle et nature de l’activité exercée par la société)
- Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période
- BOFiP-Impôts-BOI-DJC-COVID19-10 et suivants