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Gérer la TVA déductible

Maîtriser la déduction de la TVA

Date de mise à jour : 26/01/2024 Date de vérification le : 27/03/2024 24 minutes

Pour déterminer le montant de votre TVA nette due, vous devez retrancher de la TVA collectée auprès de vos clients la TVA payée à vos fournisseurs : cette « TVA déductible » obéit à des règles de déduction strictes : Comment déduire votre TVA sans risque de rectification par l’administration ?

Rédigé par l'équipe WebLex. En collaboration avec Jean-Marc Le Gallo, Avocat au Barreau de Marseille, spécialisé en droit fiscal
Maîtriser la déduction de la TVA

TVA déductible : calculer un « coefficient de déduction »

D’une manière générale. Pour la plupart des entreprises, exerçant une activité soumise à la TVA, la question de la déduction de la TVA ne pose pas en soi de difficultés : elle est déductible en totalité dès lors que la totalité du chiffre d’affaires de l’entreprise est lui-même soumis à la TVA.

Mais parfois… Dans certaines circonstances, et notamment lorsque l’entreprise affecte des biens ou des services à des activités non soumises à la TVA ou perçoit des produits eux-mêmes non soumis à la TVA par exemple, la déduction de la TVA facturée par un fournisseur ne sera pas totale. Il faut donc déterminer le montant de TVA que vous pourrez effectivement récupérer : pour cela, il faut calculer le « coefficient de déduction ».

« Coefficient de déduction ». Le montant de la TVA que vous êtes autorisé à déduire est déterminé à partir d’un coefficient de déduction. Ce coefficient est égal au produit formé par 3 autres coefficients : votre coefficient d'assujettissement, votre coefficient de taxation et votre coefficient d'admission. Ces notions ne sont pas toujours simples à manier, d’où l’intérêt de faire le point sur la situation de votre entreprise à ce sujet avec votre conseil. Toutefois, bien que techniques, il est important d’être informé de ces différentes notions. Pour faciliter l’exposé, prenons un exemple.

Une société holding. Imaginons que vous déteniez une société holding qui elle-même détient deux sociétés filiales, l’une exerçant une activité de production et l’autre s’occupant de la commercialisation et de la vente de vos produits. Cette société holding a elle-même pour activité l'animation et la gestion des sociétés filiales. Au titre de son dernier exercice clos, son chiffre d’affaire se décompose de la manière suivante :

  • prestations de services juridiques, comptables, administratives, informatiques, etc. rendues aux filiales : 130 000 €,
  • perception et gestion des dividendes : 100 000 €,
  • perception et gestion des produits financiers (intérêts de compte courant notamment) : 15 000 €.

Sa situation au regard de la TVA. Son activité de prestataire de services au bénéfice des filiales est une activité soumise en totalité à la TVA. La perception de produits financiers, bien que dans le champ d’application de la TVA, est exonérée de TVA. Son activité liée à la perception de dividendes est, quant à elle, normalement située hors du champ d’application de la TVA. Toutefois, parce que la société holding s’immisce dans la gestion de ses filiales, le juge de l’impôt comme l’administration fiscale considèrent que la perception de dividendes ne doit pas dégrader ses droits à déduction de la TVA.

Le saviez-vous ?

Dans le cas d’une société holding qui s’immisce dans la gestion d’une filiale, le juge considère que la TVA grevant ses frais généraux et dépenses liée à son activité, par nature économique, est intégralement déductible (sauf si cette holding exerce par ailleurs des activités exonérées de TVA ou détient des filiales dans la gestion desquelles elle ne s’immisce pas, auquel cas son droit à déduction de la TVA ne sera alors que partiel).

Elle achète du matériel informatique. Pour les besoins de son activité, la société achète du matériel informatique (3 ordinateurs et 3 imprimantes) pour un prix global de 5 382 € TTC, soit 882 € de TVA facturée par le fournisseur. Cette TVA sera-t-elle déductible en totalité ?

Cas particulier des projets abandonnés. Une entreprise peut déduire de la TVA alors qu’elle n’a pas encore commencé son activité économique si elle a l’intention d’en avoir une. En revanche, ce principe ne s’applique pas en cas d’absence d’activité d’une société mise en liquidation par sa société mère. Dans cette hypothèse, la TVA déduite par la société liquidée doit impérativement être remboursée.


Calculer le « coefficient d’assujettissement »

« Coefficient d'assujettissement ». Ce coefficient correspond à la proportion d'utilisation du bien ou du service pour la réalisation d'opérations imposables à la TVA (rappelons que les opérations « imposables » sont celles qui sont situées dans le champ d'application de la TVA, qu'elles soient effectivement imposées ou légalement exonérées). Vous pouvez retenir, sous votre responsabilité, un coefficient d'assujettissement unique pour l'ensemble des biens et services acquis, au lieu d’appliquer un coefficient pour chaque bien ou service.

Concrètement.

  • le coefficient sera égal à 0 si vous utilisez le bien ou le service pour des opérations hors champ d'application de la TVA ;
  • il sera à égal à 1 s'il est utilisé exclusivement pour la réalisation d'opérations dans le champ d'application de la TVA ;
  • il sera compris entre 0 et 1 dans les autres cas, c'est-à-dire si le bien ou le service est acquis pour la réalisation d'opérations mixtes, dans et hors champ d'application de la TVA : pour déterminer ce coefficient, vous devez choisir une clé de répartition : surface de bureau affectée aux activités, temps d’utilisation du bien, etc. ;
  • retenez que votre coefficient sera toujours égal à 1 si les biens ou services acquis sont utilisés exclusivement pour les besoins de votre activité, elle-même soumise à la TVA.

Reprenons notre exemple. La société établit le temps d’utilisation du matériel entre les différentes activités de la manière suivante : 5 % pour la gestion des dividendes, 5 % pour la gestion des produits financiers, 90 % pour la gestion administrative des filiales. Par conséquent, pour ce matériel informatique, le coefficient d’assujettissement devrait donc être égal à 0,95 (le temps d’utilisation du matériel pour la gestion des activités entrant dans le champ d’application de la TVA étant de 95 % du temps total).

Mais… Puisque, dans notre exemple, la holding s’immisce dans la gestion de ses filiales, l’activité de perception des dividendes n’est pas de nature à dégrader ses droits à déduction : il n’est donc pas tenu compte de cette activité, de sorte que le coefficient d’assujettissement est égal à 1.


Calculer le « coefficient de taxation »

« Coefficient de taxation ». Concernant spécifiquement les opérations imposables, ce coefficient va déterminer la proportion d'utilisation du bien ou du service acquis pour la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction. Ce n'est que dans l'hypothèse où le bien ou le service acquis est utilisé pour la réalisation d'opérations n'ouvrant pas droit à déduction, voire non imposables, que ce coefficient sera égal à 0. Il sera compris entre 0 et 1 (on parle alors de coefficient de taxation forfaitaire, anciennement « prorata TVA ») s'il est utilisé pour la réalisation d'opérations mixtes (certaines ouvrant droit à déduction et d'autres non). Comme précédemment, vous pouvez retenir un coefficient de taxation unique pour l'ensemble des biens et services acquis.

Une clé de répartition. Vous devrez choisir une clé de répartition pour déterminer ce coefficient de taxation : vous pouvez retenir le pourcentage du chiffre d’affaires généré par les activités effectivement imposées à la TVA par rapport au chiffre d’affaires global des activités entrant dans le champ d’application de la TVA (activités imposées et activités exonérées).

En ce qui concerne les produits financiers. Vous pourrez ne pas tenir compte dans ce calcul des produits financiers s’ils présentent un caractère accessoire : concrètement, le montant des produits financiers accessoires ne figure pas au dénominateur de ce rapport s’ils ont un lien avec votre activité principale et nécessitent une utilisation limitée à 10 % des biens et services de l’entreprise. A titre de règle pratique, retenez que cette condition est réputée respectée si les produits financiers représentent moins de 5 % du chiffre d’affaires TTC de l’entreprise.

Reprenons notre exemple. Le chiffre d’affaires imposé à la TVA est égal à 130 000 €, et le chiffres d’affaires global des activités entrant dans le champ d’application de la TVA est de 130 000 €, majoré de 15 000 € de produits financiers exonérés. Toutefois, dans la mesure où l’entreprise considère que, pour le calcul du coefficient d’assujettissement vu précédemment, le temps d’utilisation du matériel informatique pour la gestion de ces produits financiers n’est que de 5 %, il sera possible de ne pas en tenir compte (il s’agit alors de produits financiers accessoires). Le coefficient de taxation est donc égal à 1 (soit 130 000 / 130 000).


Calculer le « coefficient d’admission »

« Coefficient d'admission ». Ce coefficient, à la différence des deux autres, ne dépend pas de la situation de votre activité au regard de la TVA, mais est uniquement fonction de la réglementation elle-même : ce coefficient prend effectivement en compte les exclusions ou les restrictions au droit à déduction de TVA.

  • Exemples concernant le véhicule : si vous achetez et affectez à votre entreprise un véhicule de tourisme, le coefficient d'admission sera ici égal à 0; si vous effectuez un plein de gazole pour une voiture particulière (véhicule par définition exclu du droit à déduction), le coefficient d'admission sera égal à 0,8.
  • Exemples concernant les frais professionnels : si vous invitez un client ou un fournisseur au restaurant, la TVA acquittée à cette occasion étant déductible pour l'entreprise, le coefficient de taxation sera égal à 1. Dans le cadre d'un déplacement professionnel, vous séjournez à l'hôtel : la TVA grevant la dépense de logement du dirigeant ou du personnel salarié n'étant pas déductible, le coefficient de déduction sera ici égal à 0.

Reprenons notre exemple. L’achat de matériel informatique ne supportant aucune restriction légale quant à la déduction de la TVA, il n’y a ici aucune difficulté pour déterminer ce coefficient : il sera égal à 1.


TVA déductible : en conclusion

Reprenons notre exemple. Le coefficient de déduction de la société est donc égal à 1 (1 x 1 x 1). Le montant de la TVA déductible liée à l’achat du matériel informatique, égal à 882 €, est donc intégralement déductible.

Coefficient « provisoire » et « définitif ». Votre coefficient de déduction, égal au produit des 3 coefficients précités, est déterminé provisoirement au moment de l'acquisition du bien ou du service (en retenant ceux calculés au titre de l’exercice précédent). Avant le 25 avril de l'année suivante, vous calculez votre coefficient de déduction définitif (ce qui pourra amener à une régularisation : soit un reversement de TVA, soit un complément de TVA déductible).

Attention. Vous devez être en mesure de justifier vos coefficients : même si vous n'êtes astreint à aucune obligation formelle en la matière, il est vivement conseillé d'assurer un suivi comptable de vos coefficients.

Allons plus loin. La TVA que vous portez en déduction est en principe définitive. Toutefois, en dehors des hypothèses relevant du droit de contrôle de l'administration, laquelle peut être amenée à rectifier un montant de TVA déductible, certaines régularisations de la taxe initialement déduite doivent être réalisées. Ainsi, la TVA déduite lors de l'achat d'un bien immobilisé suppose que l'entreprise conserve l'immobilisation en question pendant un certain délai (5 ans pour les biens meubles, 20 ans pour les biens immeubles) : si certains évènements se produisent pendant ce délai (appelé « période de régularisation »), comme par exemple une revente du bien non soumise à TVA, la TVA initialement déduite devra être reversée, à raison d'1/20ème (pour les immeubles) ou d'1/5ème (pour les biens meubles) par année ou fraction d'année civile écoulée depuis la date d'acquisition du bien.

Exemple 1. Une société, soumise à TVA, dont l’activité principale consiste à acheter des immeubles qu’elle place ensuite en location, fait face à des difficultés : depuis 2 ans, elle n’arrive pas à louer certains de ses immeubles. Au vu de cette situation, l’administration lui demande de rembourser la TVA qu’elle a pu récupérer au moment de l’achat des immeubles concernés. Ce que l’entreprise conteste, mettant en avant le fait que la vacance est liée à des circonstances indépendantes de sa volonté. Pour preuves, elle indique qu’au cours de ces 2 années :

  • elle a conclu des mandats avec des agences immobilières chargées de trouver des locataires ;
  • elle a réalisé différentes opérations de marketing : réalisation de plaquettes, création d’une liste de diffusion, d’un site internet, communiqués de presse, affichage de panneaux publicitaires sur les immeubles vacants ;
  • elle a ajusté son offre commerciale en proposant des prix plus compétitifs.

Exemple 2. Un promoteur immobilier soumis à TVA a construit un immeuble pour le revendre, et l’a placé en stock. Il a déduit intégralement la TVA payée lors de la construction. Dans l’attente de la revente, il l’a mis partiellement en location, pendant plus d’un an à compter de la deuxième année suivant son achèvement. Dans ce cas, le bien est considéré comme une immobilisation (et non plus un stock), c’est-à-dire un bien destiné à rester durablement dans l’entreprise comme moyen d’exploitation. Cette qualification « d’immobilisation » n’est pas neutre : dès lors, la TVA déduite lors de l’achat pourra faire l’objet d’une «régularisation », c’est-à-dire devoir être remboursée en tout ou partie dans certains cas. Le fait que l’immeuble ne soit que partiellement mis en location, et non en totalité, n’a pas d’incidence.

Des circonstances indépendantes de sa volonté. Ayant tout mis en œuvre pour pouvoir louer ses immeubles, sans toutefois y parvenir, l’entreprise estime ne pas devoir reverser la TVA déduite. Une position partagée par le juge qui, au vu des circonstances, considère que l’entreprise a fait tout ce qu’elle pouvait pour remédier à la vacance de ses immeubles. En conséquence, le redressement fiscal est annulé.

Le saviez-vous ?

Dès lors qu’une société n’est pas soumise à la TVA sur au moins 90 % de son chiffre d’affaires, il faut se poser la question de sa situation au regard de la taxe sur les salaires. Seront notamment concernées par cette question les sociétés holdings, animatrices de leur groupe et employant du personnel salarié.

À retenir

Le montant de la TVA déductible est calculé en tenant compte d’un coefficient de déduction. Ce coefficient est lui-même le produit de 3 coefficients : le coefficient d’admission, le coefficient d’assujettissement et le coefficient de taxation.

Si, dans la plupart des cas, l’entreprise pourra déduire 100 % de la TVA qui lui est facturée, vous pourriez être confronté au calcul de ce coefficient de déduction si vous êtes assujetti ou redevable partiel de la TVA. Faites le point sur votre situation avec votre conseil.

 

J'ai entendu dire

Il semble que la TVA due sur les frais généraux peut faire l’objet d’une déduction forfaitaire pour les petites entreprises : est-ce vrai ?

En effet, une simplification est prévue pour les entreprises qui relèvent du régime simplifié d’imposition : si vous relevez de ce régime, vous pouvez tenir compte, au titre de la TVA, d’une déduction forfaitaire de 0,20 % de votre chiffre d’affaires, uniquement à raison des achats autres que ceux qui se rapportent à des biens constituant des immobilisations, des matières premières ou des produits destinés à la revente. Faites un calcul rapide pour mesurer l’intérêt d’utiliser cette déduction forfaitaire.

Si l’entreprise réalise des travaux sur un bien dont elle n’est pas propriétaire, pourra-t-elle déduire la TVA payée à l’occasion de ces travaux ?

Il est possible pour une entreprise de déduire la TVA payée sur des travaux qui consistent à construire ou à améliorer un bien dont un tiers est propriétaire à partir du moment où les 2 conditions suivantes sont réunies : le tiers propriétaire doit bénéficier gratuitement du résultat des travaux réalisés, et les travaux doivent être profitables à l’activité économique de l’entreprise et à celle du tiers propriétaire.
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